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[ 23 novembre 2020 ] Imprimer

Contrôle de l’emploi des fonds publics : la faute de gestion sanctionnée la Cour de discipline budgétaire et financière

La dernière décision de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) ne pouvait que retenir l’attention (CDBF 9 oct. 2020, Fonds de solidarité, n° 243-828) : elle y sanctionne les fautes de gestion commises par le directeur du Fonds de solidarité, établissement public national administratif en ce qu’il a méconnu les principes de bonne gestion et de préservation des intérêts patrimoniaux de l’établissement.

Si d’apparence, la CDBF est chargée, selon l’intitulé de la loi la créant (L. n° 48-1484 du 25 sept. 1948 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l’égard de l’État et de diverses collectivités et portant création d’une Cour de discipline budgétaire), de sanctionner les fautes de gestion, dans les faits, son champ de compétente est déterminé en considération d’une liste d’infractions qu’elle est autorisée à sanctionner (CJF, art. L. 313-1 à L. 313-7-1). Une liste qui est présentée comme limitant l’activité de la CDBF (Descheemaeker, La CDBF face aux fautes de gestion, Rev. Trésor 1994. 319) et qui révèle que la sanction de la faute de gestion par la CDBF résulte d’une création largement jurisprudentielle ainsi que le soulignent les auteurs des Grands arrêts de la jurisprudence financière (Dalloz 7e éd. 2019, p. 599).

L’analyse de la jurisprudence témoigne ainsi, par quelques illustrations, de ce que la CDBF a pu s’écarter d’une perception trop restrictive de son champ d’intervention et sanctionner les négligences et insuffisances des dirigeants d’administrations et autres organismes relevant de sa compétence. Tel est le cas de la faute commise par le directeur de cabinet d’un ministère qui a eu connaissance de doutes sérieux concernant la légalité de la nomination d’inspecteurs d’académie mais n’a pas alerté, pour autant, le ministre des risques juridiques afférents à ces nominations et des difficultés de gestion qu’elles entraîneraient nécessairement (CDBF 13 juill. 2011, Rectorat de Paris – Inspecteurs de l’académie de Paris, n° 177-684). De même, la signature d’un contrat de rachat de créance appartenant à une collectivité locale, portant renoncement, sans contrepartie, à toutes actions ou instances éventuelles à son encontre (CDBF 4 déc. 2002, Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et SCI Mutualité Astorg, n° 138-442/443 ).

Une logique et un impératif transparaissent toutefois derrière ces différentes espèces : une faute de gestion ne saurait être sanctionnée que si elle se matérialise par une violation des règles applicables à l’organisme (CDBF 24 févr. 2006, Altus finance (2e arrêt), n° 152-404-II. V. également : CDBF 11 déc. 1980, Caisse centrale de crédit coopératif, n° 41-114). 

Cette orientation jurisprudentielle prend une tonalité supplémentaire avec cette décision Fonds de solidarité. Là également, le CDBF s’appuie sur les dispositions de l’article L. 313-4 CJF pour sanctionner les fautes de gestion reprochées au directeur de l’établissement. Des dispositions qui présentent l’avantage de pouvoir embrasser un large panel d’irrégularités et qui peuvent, commodément, inclure les fautes de gestion que la CDBF entend sanctionner. C’est, en effet, par sa jurisprudence que la CDBF peut envisager d’améliorer, à droit constant, son activité. Il s’agit ici de répondre à ce reproche qui lui est adressé et qui s’appuie sur sa faible activité contentieuse.

Depuis sa création en 1948, la CDBF a rendu 243 décisions (chiffre au 31 oct.2020) soit une moyenne haute de 4 arrêts rendus par an. Une statistique qu’il convient de retravailler au constat d’une amélioration significative de l’activité de cette cour sur ces dernières années. Ainsi, dans son dernier rapport d’activités, la CDBF fait état de 12 arrêts rendus en 2019, « chiffre bien supérieur à la moyenne glissante des dix dernières années », qui s’établit à 6,8 arrêts par an (CDBF, Rapport d’activités 2020, p. 13). Une statistique qui révèle une motivation réelle des magistrats financiers à voir s’améliorer l’activité de cette juridiction et plus largement, à ce que le dispositif de mise en cause de la responsabilité financière des gestionnaires publics trouve un réel écho en termes jurisprudentiels.

Premier arrêt signé par le Premier président Moscovici, cette décision pourrait bien être la première d’un style revigoré du juge financier. Pour s’en convaincre, on peut utilement relever les propos de la Procureure Générale près la Cour des comptes, Mme Hirsch de Kersauson qui, quelques mois plutôt, avait souligné la nécessité que les irrégularités et fautes de gestion soient plus systématiquement sanctionnées, les juridictions financières ne pouvant « se contenter de dénoncer publiquement les manquements qu’elles découvrent en contrôlant les gestions publiques ; elles doivent être en mesure de sanctionner les personnes qui en sont responsables » (27 mai 2019).

Une dynamique de revalorisation de l’activité de la CDBF dont on constate déjà les résultats en termes chiffrés alors que le nombre d’arrêts rendus par cette juridiction a significativement progressé sur ces deux dernières années. En 2019, la CDBF a rendu 12 arrêts, 9 en 2018. Une dynamique d’autant plus nécessaire que la question se pose du maintien de la CDBF. Une question à laquelle il avait été envisagé de répondre par sa suppression à l’occasion du projet de réforme des juridictions financières initié en 2009. Finalement, ce pan de la réforme n’avait pas vu le jour, la CDBF avait poursuivi ses activités en l’état des insuffisances du texte de 1948 qui l’avait créée. 

Les perspectives de mise en place d’un régime de responsabilité financière des gestionnaires publics ont relancé cette question avec plusieurs options envisageables.

Parmi elles : reprendre le projet de 2009, supprimer la CDBF et confier compétence à la Cour des comptes pour apprécier la responsabilité financière des gestionnaires publics. Une option qui présente l’inconvénient de plusieurs obstacles à franchir alors qu’elle s’inscrirait également dans une logique plus globale de refonte de la responsabilité des comptables publics.

Une suppression envisagée comme le résultat de tant d’années d’activités insuffisantes de la CDBF. Mais très logiquement et alors que les magistrats financiers s’emploient à redynamiser cette juridiction, la question mérite d’être amplement pesée. L’évolution possible des juridictions financières doit, en effet, s’inscrire dans une dimension globale impliquant la mise en place effective d’un régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. C’est bien évidemment cet objectif qui doit primer et en fonction duquel il conviendra d’adapter le schéma contentieux des juridictions financières.

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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