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Crise de la territorialité de l'action administrative
Suppression des départements, création de métropoles, fusion de régions, développement des structures intercommunales, passage aux plans locaux d'urbanisme intercommunaux, suppression des sous-préfectures, etc. La liste est longue de toutes les réformes, projets de réformes ou pistes de réformes futures qui ont toutes en commun de poser la question de l'adéquation de l'action administrative aux territoires qu'elle est censée couvrir.
Au-delà des débats que chacun de ces sujets suscite, avec les crispations habituelles des intérêts en présence, une perspective plus générale met en évidence qu'il existe une crise de la pertinence des cadres territoriaux de l’action administrative que l'on peut encore appeler une « crise de la territorialité de l'action administrative ».
Cette crise a, de toute évidence, une partie de ses causes dans les difficultés financières auxquelles sont soumises les collectivités publiques : la rationalisation des cadres d'action de l'administration est imaginée, à tort ou à raison, cela importe peu, comme une modalité de la réduction des coûts d'administration.
Mais s'arrêter à cette cause immédiate serait une erreur. La meilleure preuve est que certains des projets qui ont été évoqués plus haut (comme, par exemple, les plans locaux d'urbanisme intercommunaux) ne présentent pas d'enjeux financiers importants.
Les causes plus profondes sont, selon nous, au nombre de trois.
La première est une crise de légitimité de l'action publique. Ce qui caractérise, en effet, les conflits qui naissent autour de ces projets de réforme, c'est qu'ils opposent les structures administratives, anciennes et regardées comme légitimes du fait de la marque qu'elles ont imprimée sur le territoire, aux structures de projets qui tentent de définir des périmètres pertinents pour des natures d’interventions publiques spécifiques. Il s'agit bien évidemment d'un réflexe classique en période de crise où l'attachement à l'existant est plus fort que la foi dans des projets nouveaux.
La deuxième tient sans doute au déficit démocratique qui entoure les structures nouvelles : intercommunalités, métropoles etc. sont toutes marquées par le fait qu'il n'existe plus de lien entre le pouvoir de décision et la responsabilité devant les électeurs. Ces derniers se sentent dépossédés d'un levier essentiel de contrôle de l'action de leurs élus et ont le sentiment que dans ces nouvelles structures, leur opinion compte pour rien. Il est d'ailleurs difficile de nier cette situation : lorsque la Métropole de Paris fonctionnera et que le « projet métropolitain » sur le logement sera défini, qui pourra sérieusement prétendre qu'il l'aura été en liaison avec une responsabilité politique des acteurs ?
La troisième raison, enfin, tient à ce que chacune de ces réformes, ou chacun de ces projets, a pour objet ou pour effet un éloignement des centres de décisions de l'action publique par rapport aux territoires : supprimer ou fusionner les départements ou les régions, supprimer les sous-préfectures, élargir les intercommunalités... le mouvement est toujours le même, il est bien celui d'un éloignement. Or dans la crise que nous connaissons, les entités administrées, qu'il s'agisse des citoyens, des entreprises ou de tout autre type de structures, éprouvent au contraire un besoin d'administration de proximité, d'une administration qui ait une compréhension concrète de leurs situations et de leurs enjeux.
Répondre à ces enjeux et à ces préoccupations est loin d'être aisé. Les contraintes financières, la crispation des intérêts rendent les évolutions complexes et aléatoires. On peut toutefois esquisser quelques pistes et quelques propositions.
La première consiste à rétablir le lien démocratique entre les structures administratives et les citoyens en imposant l'élection au suffrage universel de toutes les structures d'administration nouvellement créées et notamment des intercommunalités et des Métropoles. Il faut cesser de temporiser sur ces mesures et accepter de placer le débat démocratique au cœur des choix d'administration. De ce point de vue, la constitution de la future Métropole de Paris constitue un contre-exemple absolu de ce qu'il faudrait faire.
La seconde consiste à admettre l'idée que les mouvements d'élargissement des périmètres doivent s'accompagner, paradoxalement, du renforcement des échelons d'administration de proximité. Il faut ici en particulier porter un œil neuf sur le rôle de l'administration communale. Il nous semble qu'à l'heure où ses grandes compétences techniques lui sont retirées au profit des intercommunalités, elle doit retrouver un autre rôle et devenir l'échelon local de toutes les politiques publiques intéressant directement les administrés. Il ne serait pas illogique, par exemple, que les communes deviennent l'échelon opérationnel de gestion des prestations sociales, dans le cadre de départements élargis ou dissous dans des régions.
Il ne s'agit là que de quelques exemples car le champ des réflexions à mener est vaste. Mais il serait bien imprudent de poursuivre dans la voie des réformes des structures administratives qu'en ayant en vue que des impératifs budgétaires car tôt au tard les conséquences politiques d'une action à aussi courte vue se feront sentir et s’ajouteront à la crise démocratique que nous connaissons déjà.
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