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Le billet

[ 18 janvier 2010 ] Imprimer

Cuisine politique et (in)dépendances

 

Il en va des journalistes comme des juges. On attend d’eux du recul et de l’indépendance. On mesure bien chaque jour cependant que celle-ci n’est pas seulement affaire de statut mais aussi d’état d’esprit. L’exemple vient de haut, avec ces mots ciselés prononcés par le procureur général près la Cour de cassation, disant, lors de la rentrée solennelle de la Haute juridiction, en présence du Premier ministre, son scepticisme sur les vertus d’une suppression du juge d’instruction sans révision du statut du parquet. Voilà qui ne manque pas de panache, pour le Premier des magistrats du parquet, qui aurait pu se contenter de quelques formules convenues propres à donner des gages de la docilité du ministère public. En lieu et place, une belle démonstration d’esprit… d’indépendance ! Comme celle du Premier président de la même Haute juridiction, s’agissant de la nomination du nouveau président de la chambre criminelle, non conforme au casting pressenti en haut lieu, n’en déplaise au Château !

Du côté de l’esplanade Henri de France (au siège de la direction de France Télévisions) qui est un peu à l’audiovisuel public ce que le quai de l’Horloge est à la justice, l’heure est aussi à l’impertinence : mais c’est à un chef de… l’opposition que s’en prend — avec véhémence quant à lui — le PDG de la susdite société d’audiovisuel public. « Madame la première secrétaire, au-delà de la forme particulièrement déplaisante avec laquelle M. Vincent Peillon (…) ».

Parmi les griefs adressés aux intéressés (l’impayable M. Peillon et sa chef de parti qui l’a, peut-être un peu hâtivement assuré de son soutien pour un acte qui peine à passer pour héroïque !), celui d’empêcher la télévision publique, qui « a pour mission d’organiser et de faire vivre le débat public », d’ « exercer sa pleine liberté éditoriale dans le strict respect des règles du pluralisme fixées et contrôlées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ».

Nul doute en tout cas que jusqu’à ce coup d’éclat peu glorieux, France 2 et sa directrice générale adjointe de l’information, auront pleinement exercé leur liberté éditoriale, en relayant sans le moindre recul critique le principe d’un grand débat sur l’identité nationale, et mis en scène à l’occasion de cette émission l’idée (renforcée par l’initiative inopportune du député européen socialiste : pour dire que le débat est une supercherie, il faut y participer !) d’une dialectique réduite à la confrontation de la majorité présidentielle et de l’extrême droite…

C’est, au-delà de l’acte lui-même (dénoncé comme assimilable à « des méthodes de voyous » : aurait-on usé du même ton et du même vocabulaire si l’indélicatesse avait été le fait d’un ministre en exercice ou du chef de l’État lui-même ? Imaginons ce dernier menacer de boycotter ou de sanctionner France 3 au motif qu’un technicien du plateau lui a manqué de déférence ?), l’appel à la démission de la directrice ajointe de l’information et de plusieurs responsables de la chaîne qui a suscité spécialement l’ire de la direction de France Télévisions, dénonçant une pratique « sans précédent depuis des dizaines d’années ».

C’est ma foi vrai ! Quel ridicule ! On se croirait revenu à la grande époque du ministère de l’Information où les journalistes n’étaient que des agents du pouvoir ! La même époque lointaine où le patron de Renault était convoqué à l’Élysée pour rendre compte de sa politique industrielle… Et quoi encore, pourquoi ne pas décider, tant que nous y sommes, de faire nommer les responsables de l’audiovisuel public par le chef de l’État ?

Non ! On l’a fait ? Que l’on se rassure, l’inféodation n’est nullement fatale, même pour ceux qui sont nommés par le pouvoir, comme on nous le prouve, au sommet de la hiérarchie judiciaire : vive la magistrature debout !

 

Auteur :Ph. B.


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