Actualité > Le billet

Le billet

[ 16 novembre 2009 ] Imprimer

De diverses mesures fiscales récentes en général et de la fiscalisation des indemnités versées au titre des accidents du travail en particulier

 

Vous avez dit niche (fiscale) ? Nicht ! Il a beaucoup été question du mur de la honte la semaine dernière, et de la question historique majeure de savoir si notre héroïque président était ou non au nombre de ces glorieux passe muraille à la date fatidique. C’est cette semaine le mur du cynisme et du burlesque fiscal qui a été franchi allègrement, du côté de l’Assemblée nationale — notre Bundestag à nous — et à la vitesse du son par la majorité présidentielle. Le son d’une voix autosatisfaite qui est parvenue à convaincre une majorité de députés que soumettre à l’impôt sur le revenu des personnes physiques les indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail serait une mesure « courageuse » de nature à « corriger une anomalie fiscale ».

Laissons le soin au citoyen éclairé de comparer le produit attendu de cet élargissement de l’assiette de l’IRPP, environ 150 millions, avec les quelque 73 milliards d’euros que représentent les niches fiscales diverses auxquelles il était question de s’attaquer à la fin de l’été, avant que les bonnes résolutions s’évaporent au début de l’automne ( v. « Angle droit » du 9 septembre ).

Laissons aussi à notre honnête homme le loisir de noter que, tant qu’à se décider à prôner la justice fiscale, il n’eût pas été nécessairement aberrant d’accepter de discuter les mérites d’une exclusion de la CSG et du RDS du bénéfice du bouclier fiscal ; qu’il est piquant de constater qu’au moment même où l’Assemblée nationale prenait une telle décision, le Sénat rivalisait de « courage » en prolongeant la survie de la niche fiscale des sportifs multimillionnaires.

Laissons là ces considérations politiques et abordons la question sous un angle plus juridique. Après tout, ne s’est-il pas agi — rien moins ! — que d’en finir avec les « passe-droits des accidentés du travail » ( Le Monde.fr du 12 nov. )?

Pensez donc, une aberration en effet, un salarié qui serait plus imposé en travaillant qu’en percevant des indemnités ! Le citoyen avisé pourrait refaire irruption pour observer qu’en matière de faveur fiscale pour la rente, sous couvert de promotion de la « valeur travail », l’actuel gouvernement est passé maître avec la fameuse loi TEPA et la diminution substantielle des droits de succession.

Le juriste lui se hasardera à douter qu’on puisse parler en tout point de « revenus » justiciables de l’IRPP, quand on évoque les « indemnités » versées au titre de la législation sur les accidents du travail et qu’il est tout sauf évident qu’on puisse parler ici de « niche fiscale ».

Non seulement il faut rappeler que ces indemnités journalières, si elles ont essentiellement pour objet de compenser le salaire non perçu en raison de l’accident, ne couvrent qu’une partie de celui-ci, de sorte que l’on pourrait soutenir qu’il est parfaitement légitime de les considérer comme « nettes d’impôts », mais en outre, s’agissant des prestations versées par la sécurité sociale, les juristes de droit privé savent bien combien est discutée la nature juridique exacte des sommes ainsi versées, lorsqu’il s’agit de déterminer l’assiette du recours dit « des tiers payeurs ».

Joint à ces considérations, déjà non négligeables que, s’agissant de l’indemnisation des conséquences du dommage corporel, d’une manière beaucoup plus générale, elle est exclue du champ de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, dès lors du moins qu’elle est versée non sous forme de rente mais en capital. Pourquoi donc faudrait-il soumettre à un régime fiscal différent, l’indemnité versée au titre d’un accident du travail et celle qui est versée en cas d’accident de la circulation ?

Vous avez dit « justice fiscale » ? Que les salariés qui harassés à force d’heures supplémentaires défiscalisées connaissent les affres des accidents du travail se rassurent : dans sa grande sagesse en effet, le législateur n’ira manifestement pas jusqu’à toucher à l’article 885 k du Code général des impôts qui, s’agissant de la valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie, précise que celle-ci est exclue du patrimoine des personnes bénéficiaires ou, en cas de transmission à titre gratuit par décès, du patrimoine du conjoint survivant. Voilà qui est humainement et équitablement tranché, s’agissant de la détermination de l’assiette de l’impôt sur… la fortune !

Où le citoyen pourrait rejoindre le juriste et dire des instigateurs de cette mesure « courageuse », que faute d’abattre des vrais murs d’iniquité et de parvenir à « casser des briques », on peut toujours s’en prendre à de toutes petites « niches »…  

 

Auteur :Ph. B.


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr