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Le billet
De la provenance des animaux destinés à l’expérimentation
Depuis quelques jours, la presse grand public et les réseaux sociaux s’alarment d’un assouplissement de la réglementation qui permettrait à tout particulier de vendre son animal de compagnie à un laboratoire.
Comme souvent, lorsqu’une information défie le simple bon sens, c’est qu’elle est fausse. Las, c’est, cette fois, la Fondation 30 millions d’amis, que l’on a connu mieux inspirée, qui a lancé « l’alerte ».
D’aucuns imaginaient déjà que le Gouvernement avait eu le cynisme éhonté de permettre, à la veille de l’été, connu pour être le pic des abandons des animaux de compagnie, la vente de son chat ou de son chien à un laboratoire...
Comme le décret incriminé est daté du 17 mars 2020 soit le premier jour du confinement, il n’en fallait pas moins pour que certains y voient la main des fameuses « big pharma » et la soumission de nos gouvernants à ces dernières.
Triste époque que nous vivons.
Depuis, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a démenti l’information, dans un communiqué du 27 juin 2020. On peut espérer que cela fera taire cette rumeur qui provient d’une mauvaise interprétation d’une modification apportée à l’article R. 214-90 du Code rural et de la pêche maritime par le décret précité.
Dans son premier alinéa, cet article pose un principe, à savoir que « les animaux utilisés ou destinés à être utilisés dans des procédures expérimentales (…) doivent avoir été élevés à cette fin et provenir d'éleveurs ou de fournisseurs agréés ».
L’alinéa 3 de ce même article prévoit ensuite une dérogation à ce principe, dérogation qui existait dès avant le décret du 17 mars 2020.
Avant sa modification, le texte énonçait que « des dérogations au premier alinéa du présent article peuvent être accordées par le ministre chargé de la recherche, après avis des autres ministres concernés, sur la base d'éléments scientifiques dûment justifiés lorsque la production des éleveurs agréés est insuffisante ou ne convient pas aux besoins spécifiques du projet ».
Le décret s’est alors contenté de supprimer les conditions tirées de la production insuffisante des éleveurs agréées ou de l’inadéquation de ces élevages avec les besoins spécifiques du projet.
Un lecteur inattentif a donc pensé qu’en supprimant ces conditions, le législateur avait considérablement assoupli le périmètre de la dérogation.
Pourtant, le texte énonce aujourd’hui que « des dérogations au premier alinéa du présent article peuvent être accordées par le ministre chargé de la recherche, après avis des autres ministres concernés, sur la base d'éléments scientifiques dûment justifiés ».
On comprend mal comment on a pu déduire de ce texte que les particuliers allaient pouvoir vendre leur chat ou leur chien à un laboratoire… Non seulement le texte ne dit rien des « animaux de compagnie », pas plus aujourd’hui qu’hier d’ailleurs, mais il continue de soumettre la dérogation du ministre à des « éléments scientifiques dûment justifiés » …
Bien entendu, le maintien de la dérogation dans les limites qui étaient, peu ou prou, celles qui préexistaient au décret du 17 mars 2020 ne soulagera guère ceux que révulse l’expérimentation sur les animaux.
Il s’agit toutefois d’un autre problème, bien plus complexe.
On notera d’ailleurs que, dans la « Commission nationale de l'expérimentation animale », rebaptisée « Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques » par le décret du 17 mars 2020, le nombre de personnalités proposées par des organisations reconnues d'utilité publique de protection des animaux et de protection de la faune sauvage a doublé, passant de 3 à 6.
Or, parmi ses attributions, cette Commission est chargée de donner son avis sur les demandes de dérogations destinées à faire des expériences sur les animaux domestiques errants ou vivants à l’état sauvage, en principe interdites (C. rur., art. R. 214-91), ou sur les primates, hors du cadre dans lequel elles sont autorisées en principe (C. rur, art. R. 214-94).
Ce n’est pas un progrès gigantesque en direction de la protection des animaux, mais il s’agit tout de même d’un progrès…
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