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Le billet
De la vidéosurveillance à la vidéoprotection, une affaire de mots ?
Le projet de loi « d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure », plus connu sous son abréviation « loppsi 2 », emporte d'importantes conséquences sur le régime général des libertés publiques, sur lesquelles de nombreuses choses seront dites, ici ou ailleurs.
Mais elle contient également des modifications plus symboliques, dont celle qui nous intéresse, et qui consiste à débaptiser la « vidéosurveillance » pour lui trouver un patronyme moins inquiétant, celui de « vidéoprotection ». C'est évidemment ici la relation du pouvoir des normes face au pouvoir des mots qui est en jeu. Mais plutôt que de livrer une méditation abstraite sur cet enjeu, il vaut mieux commencer par suivre la manière dont l'information officielle a tenté de précéder et de faire entrer dans les cerveaux ce nouveau terme.
À cet égard le décryptage du site Internet du ministère de l'Intérieur se révèle des plus captivants. Alors qu'en 2008 Michelle Alliot Marie procédait encore à l'installation de la « Commission nationale de la vidéosurveillance », dès février 2009, fut créé un « Comité de pilotage chargé du développement de la vidéo protection » dont le rapport, constituant le support des réflexions de l'actuel projet de loi, n'emploie plus que ce terme, même quand il désigne des dispositifs couverts par la loi en vigueur de 1995 et qui sont expressément qualifiés de dispositifs de vidéosurveillance.
À partir de ce moment, la communication ministérielle vise à effacer méthodiquement toute trace du terme de vidéosurveillance, parfois jusqu'au ridicule. Ainsi, le formulaire CERFA de « demande d'autorisation d'un système de vidéosurveillance », se trouve placé sur le site du ministère, derrière un lien indiquant « demande d'autorisation d'un système de vidéoprotection »…
Sans forcer les comparaisons, on trouve dans l'histoire quelques précédents de la volonté juridique d'effacer les mots, à commencer par la première femme pharaon, Hatshepsout, dont les cartouches furent martelés par ses successeurs pour faire disparaître sa légitimité.
Si les mots sont effacés, c'est sans doute qu'ils font peur. Et dans le cas de la vidéosurveillance, l'inquiétude provient de toute évidence de ce que l'opinion ressent de manière négative ces dispositifs. Ainsi, leur donner un intitulé plus apaisant est conçu, dans l'esprit des promoteurs du nouveau vocabulaire, comme une manière d'emporter cette adhésion de l'opinion.
Pourtant, si l'on veut bien s'y arrêter un instant, on pourrait au contraire considérer que ce changement de nom est bien plus menaçant qu'apaisant. Car en rendant synonymes « surveillance » et « protection », il revient finalement à dire, et pour le coup à le dire avec une extrême naïveté, que la protection de la population passe par sa surveillance…
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