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De quelques dispositions relatives au droit des contrats des ordonnances du 25 mars 2020
Alors que toute la communauté des juristes a les yeux de Chimène pour la notion de force majeure, le présent billet se contentera, plus modestement, d’analyser quelques dispositions, relatives au droit des contrats, des ordonnances du 25 mars 2020.
L'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a, en effet, donné un grand pouvoir au Gouvernement, celui de modifier, par ordonnance, « les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l'égard de leurs clients et fournisseurs ». Le Gouvernement a donc la possibilité de s’immiscer dans de nombreux rapports contractuels afin de les modifier, sous la seule réserve, assez vague, de respecter les droits réciproques de chaque contractant…
Cet article visait, notamment, le secteur du tourisme. C’est la raison pour laquelle l’ordonnance n° 2020-315 est intervenue afin de venir en aide aux opérateurs économiques de ce secteur qui est actuellement dans une situation catastrophique, compte tenu de l’arrêt total de son activité.
L’article L. 211-14 du Code du tourisme prévoit que « le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination ». Dans ce cas, il obtiendra le « remboursement intégral des paiements effectués ».
De manière parfaitement symétrique, si l’organisateur est « empêché d'exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables », il peut résoudre le contrat à charge de rembourser « intégralement le voyageur des paiements effectués », mais sans avoir à l’indemniser.
L’article L. 211-14 du Code du tourisme est donc un texte qui fait une application spéciale de la force majeure. Celle-ci n’est pas, en ce domaine, un événement échappant au contrôle du débiteur, imprévisible et irrésistible, comme l’énonce aujourd’hui l’article 1218 du Code civil, mais une « circonstance exceptionnelle et inévitable ».
La raison de cette divergence est que la substance du texte du Code du tourisme provient d’une directive européenne datée du 25 novembre 2015, directive qui précise qu’une telle circonstance est « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n'auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises » (art. 3).
Où l’on voit que les praticiens devront avoir le réflexe, avant de convoquer l’article 1218 du Code civil, de consulter les textes spéciaux, parfois plus protecteurs que le droit commun. En l’espèce, l’article du Code du tourisme, pas plus que la directive transposée, ne fait référence à l’imprévisibilité de l’événement.
Nul doute ainsi que l’interdiction des déplacements et la fermeture des frontières en raison de la pandémie de Covid-19 sont des circonstances exceptionnelles et inévitables qui permettront à tous les clients de réclamer la résolution du contrat (et aux agences de voyage d’éviter d’avoir à verser des indemnités). D’ailleurs l’exposé des motifs de la directive de 2015 visait « l'apparition d'une maladie grave sur le lieu de destination » (n° 31).
Les clients auraient donc pu, sur la base de ce texte, demander le remboursement des sommes versées. Or, cette conséquence logique de la résolution, qui est censée remettre les parties dans la situation qui aurait été la leur avant la conclusion du contrat, aurait encore aggravé la situation difficile des organisateurs de voyages (y compris les loueurs de véhicules), en asséchant leur trésorerie.
Dès lors, l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 a donné aux organisateurs de voyage la possibilité d’imposer à leurs clients, en lieu et place du remboursement, l’octroi d’un avoir qui viendra en déduction du prix d’un futur contrat. L’idée est de permettre aux agences et autres organisateurs de voyages de survivre pendant la période de restriction de déplacements en conservant les fonds d’ores et déjà versés et de rebondir une fois la crise passée.
Quid du régime de l’avoir ? Pour les contrats résolus entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, inclus, l’organisateur pourra proposer un avoir équivalent aux sommes déjà versées. Il disposera alors d’un délai de trois mois, à compter de la résolution, pour faire une offre de prestation de remplacement, offre dont la durée obligatoire est de 18 mois.
Si aucun contrat n’est conclu à l’expiration de cette période, le client aura alors droit au remboursement intégral. En d’autres termes, les clients ne pourront obtenir le remboursement qu’au terme d’une période de 21 mois à compter de la résolution, l’espoir étant que ce délai soit suffisant pour que l’entreprise se remette du choc de la crise sanitaire actuelle.
En définitive, cette ordonnance déroge aux conséquences de la résolution pour force majeure en permettant au professionnel d’imposer un avoir en lieu et place du remboursement et, en cas de refus de conclusion d’un nouveau contrat par le client, de différer le remboursement de 21 mois, au maximum, à compter de la résolution.
Ensuite, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, toujours pris en vertu de l’article 11 de la loi du 23 mars 2019, vient neutraliser toutes les clauses des baux professionnels et commerciaux des personnes ou entreprises éligibles au fonds de solidarité Covid-19 qui ont pour effet ou pour objet de sanctionner (clauses pénale, résolutoire, de déchéance etc.) ou de garantir (cautionnement) le défaut de paiement de loyers ou de charges locatives dont l’échéance est située entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
Ces clauses ne sont ni annulées, ni réputées non écrites ; elles sont donc comme neutralisées, pour les loyers et les charges considérés, par décision du gouvernement.
Reste que l’ordonnance n’efface pas les loyers et charges en question.
Il restera donc aux locataires et aux bailleurs à trouver, en bonne intelligence, un accord s’agissant de ces derniers, sachant que les locataires pourraient soutenir que les bailleurs n’étaient plus en mesure de leur fournir la jouissance paisible du local, celui-ci étant destiné à une activité professionnelle, par hypothèse interdite (commerce non essentiel) et, qu’en conséquence, le loyer doit être suspendu, à due concurrence, par application des articles 1218 et 1351 du Code civil.
Au-delà du domaine des baux professionnels et commerciaux, et en vertu de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours si ce délai a expiré entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
Toutefois, à la différence de ce qui est prévu pour les loyers des baux commerciaux et professionnels, le délai recommencera à courir à l’issu de la période précitée. Le débiteur aura en effet un mois, à compter de la fin de cette dernière, pour s’exécuter.
Ces quelques exemples ne seront sans doute pas les seules entorses aux règles du droit des contrats et du principe « pacta sunt servanda » auquel notre système juridique est pourtant d’ordinaire si attaché…
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