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Des jurys agressifs à l'examen de sortie de l'EFB ? Quelques considérations sur la « Grande Machine » des examens dans les Facultés de droit
Le système académique français est une gigantesque machine à faire passer des examens, écrits, oraux, « grands oraux », soutenances, de stages, de mémoires, de présentation de projet, entretiens, d'admissions, de renouvellement de contrats…
On peut considérer qu'un étudiant de Faculté de droit passera environ 60 examens au cours de cinq années d'études, auxquels s'ajoutent les examens ou concours des écoles professionnelles.
Si l'on se place maintenant du côté des examinateurs, on constate que 200 000 étudiants en droit passant 12 examens par an, cela représente 2,4 millions d'évaluations individuelles !
Un volume aussi considérable d'examens, que ce soit du point de vue des étudiants ou des examinateurs, entraîne nécessairement des effets pervers qui se nourrissent les uns les autres :
– du point de vue de l'étudiant, toute production à destination d'examen, qu'il soit écrit oral, individuel ou collectif, est conçue sur un mode qui s'approche de celui de la production industrielle ; il ne s'agit pas réaliser le meilleur produit, mais un produit standard en fonction des différents contextes : charge de travail, aptitude, appétence pour la matière ou la formation, degré d’exigence supposé du consommateur (i.e. du jury) ;
– du côté des examinateurs la logique est également industrielle : il s'agit d'écarter les produits ne correspondant pas aux normes de qualité requises, la plupart du temps en se tenant à distance de la production (système des oraux écrits, des QCM à correction automatisée, par exemple).
Mais dans les examens oraux à jurys collectifs, tels qu'on les trouve en fin de M2, ou dans les examens d'entrée et de sortie des écoles professionnelles, ces logiques entrent violemment en contradiction : l'examiné exprime des modalités de mise en œuvre de son produit standardisé tandis que l’examinateur, spécialement l'examinateur en groupe, use de ce moment comme d'un lieu de légitimation de son contrôle qualité, dont il réaffirme les valeurs et la portée. Bref, l'étudiant croit encore se situer dans l'univers mécanisé de ses expériences antérieures tandis que l'examinateur, lui, prétend redécouvrir à cette occasion la vertu de l'individualisation et du meilleur travail possible, tout en demeurant soumis à la contrainte du nombre des candidats.
Il ne faut donc pas s'étonner si les jurys remettent en cause, comme cela semble avoir été le cas dans les jurys de sortie de l'EFB de la semaine passée, non seulement la prestation mais pratiquement les qualités essentielles du candidat (v. A. Portmann, « EFB : les jurys chahutent certains candidats, beaucoup de bruit pour rien ? », Dalloz actualité, 23 sept. 2013). De la même manière qu'il ne faut pas s’étonner que les candidats en soient scandalisés et usent des réseaux sociaux pour le manifester : la contradiction des deux logiques est, en effet, poussée ici à son paroxysme.
Il ne s'agit évidemment pas ici de cautionner les pulsions d'examinateurs irrités, mais plutôt de souligner que ce type de situation ne se réglera ni avec des enquêtes, des chartes, des contrôles, ou tout autre dispositif dont nos systèmes impuissants sont devenus friands.
Il faudrait bien plus réfléchir à la fonction et au mode de l'évaluation des connaissances et des aptitudes dans le cadre des études juridiques et des écoles professionnelles qui leur font suite. Si l'on doit poser la question simplement et directement on peut la formuler de la manière suivante : y a-t-il vraiment besoin de 60 examens pour former un juriste, y a-t-il besoin, s'agissant spécifiquement de École de formation professionnelle des barreaux de 9 examens à l'entrée et de 6 examens à la sortie, tel que cela ressort des exigences actuelles ?
Cela est peu vraisemblable. C'est donc à la redéfinition des modes d'évaluation des étudiants et candidats qu'il faut songer : globalisation des examens sur un groupe de matières, travaux collectifs sur projets, évaluation des investissements personnels, les pistes de réflexion sont nombreuses et l'imagination doit être reine pour trouver de nouvelles formes d'évaluations, moins quantitatives, moins mécanisées.
Car les Facultés de droit, et les écoles professionnelles qui leur font suite, ne maintiendront ou ne retrouveront leur crédibilité, selon qu'on soit optimiste ou pessimiste, qu'à la condition de découvrir, outre de nouvelles formes d'enseignements, des process d'évaluation moins centrés sur la note moyenne et davantage sur l'évaluation des aptitudes à progresser et à exercer effectivement une profession.
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