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Le billet
Dieudo K.O.!
Jadis, Dieudonné fût drôle, irrésistiblement parfois, que ce soit avec son complice de confession juive, Élie Semoun, ou dans sa carrière solo. Certains de ses sketchs révélaient un génie comique certain (voir entre autres, « La fine équipe du onze » ou « Le cancer »), salué d’ailleurs par ses pairs quasi-unanimes.
Puis un beau jour, ou plutôt une triste nuit, Dieudonné fût foudroyé par le virus de l’antisémitisme, allant d’écœurantes provocations en indignes prestations, et créant sa petite boutique, très fructueuse, du racisme ordinaire.
Devenu petit « razillon », il tenta d’abord de se retrancher derrière l’excuse, non atténuante, d’antisionisme, puis bascula lentement mais sûrement dans un discours dont l’antisémitisme devint le centre de gravité, allant même jusqu’à inviter, lors d’un de ses spectacles, Robert Faurisson à monter sur scène pour lui remettre le prix de « l’infréquentabilité et de l’insolence ». Prix qui lui fût remis par un figurant revêtu d’un pyjama rayé, semblable à celui que portaient les déportés juifs.
Cible de multiples procédures, notre ex-humoriste choisit de se poser comme la victime d’un complot judéo chrétien organisé par la « bien pensance » de droite et de gauche confondues, destiné à l’empêcher de dire tout haut ce que le bon peuple, celui qui n’a jamais le droit à la parole et dont il se prétendait précisément le porte-parole, pense tout bas.
Pour continuer à prêcher sa bonne parole, il attaqua, en premier lieu, une circulaire du ministre de l’intérieur relative à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, dans laquelle étaient exposées les conditions dans lesquelles la préservation de l’ordre public justifie que soient prises des mesures d’interdiction de certaines représentations, étant entendu que les destinataires de cette circulaire étaient appelés à faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard des spectacles de Dieudonné. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 9 novembre 2015, n’est pas tombé dans le panneau de la liberté d’expression et de la liberté de réunion que Dieudonné invoquait à son profit pour obtenir l’annulation de la circulaire : «(…) le ministre de l’intérieur (…) n’a pas méconnu l’étendue des pouvoirs de police administrative en rappelant que l’autorité qui les détient peut, pour apprécier la nécessité d’interdire la représentation d’un spectacle, tenir compte de l’existence de condamnations pénales antérieures sanctionnant des propos identiques à ceux susceptibles d’être tenus à l’occasion de nouvelles représentations de ce spectacle, (…) ainsi que des éventuelles atteintes à la dignité de la personne humaine qui pourraient en résulter ». Le recours en annulation pour excès de pouvoir est donc rejeté. Premier K.O. administratif pour Dieudo !
Rompu aux arcanes processuelles, Dieudo avait aussi tenté sa chance devant la Cour européenne des droits de l’homme : il demandait à celle-ci de déclarer que la condamnation pour injures publiques dont il avait été l’objet, à la suite de la représentation au « Zénith » de Paris le 26 décembre 2008 , constituait notamment une atteinte à la liberté d’expression, qu’énonce l’article 10 de la Convention européenne. Une nouvelle fois, Dieudo est renvoyé dans les cordes par la Cour qui, dans un arrêt du 10 novembre 2015, relève que les faits litigieux ont un « caractère négationniste et antisémite marqué », et estime que l’ex-humoriste « tente de détourner l’article 10 de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d’expression à des fins contraires au texte et à l’esprit de la convention et qui, si elles étaient admises, contribueraient à la destruction des droits et des libertés garantis par la Convention ». K.O. européen pour Dieudo !
Pas plus que le Conseil d’État, la CEDH n’a donc été dupe : l’antisémitisme ne passera pas, même sous forme de spectacle, et la liberté d’expression ne saurait lui servir d’alibi.
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