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Directive relative aux droits des consommateurs : la montagne accouchera-t-elle d’une souris ?
Le 23 juin dernier, le Parlement européen a adopté une résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs, mettant ainsi fin à une attente de près de trois ans…
La proposition de directive datait en effet du 8 octobre 2008. Pourtant, des ambitions initiales de la Commission européenne, il ne reste que peu de chose. À l’origine, la Commission avait émis le souhait, dans son Livre vert du 7 février 2007 relatif à la révision de l’acquis communautaire en matière de protection du consommateur, de coordonner l’action législative européenne en matière de contrats de consommation. Pour cela, il était proposé de refondre pas moins de huit directives relatives à la protection des consommateurs. Il faut dire que, jusque-là, l’action de l’Union européenne était pour le moins désordonnée. Intervenant ponctuellement, au gré des besoins, pour harmoniser un type de contrat particulier (contrat de jouissance d’immeuble à temps partagé par exemple), ou une technique contractuelle donnée (la vente à distance), l’Union européenne n’avait pas fait montre de beaucoup d’esprit de méthode. Cette absence de planification de l’action a engendré des différences difficilement justifiables d’une directive à une autre, s’agissant par exemple de la définition du consommateur, ou de la durée de la période de rétractation offerte à ce dernier.
C’est pour corriger ces défauts que la Commission avait souhaité abandonner l’approche verticale jusqu’alors quasi exclusivement utilisée (sauf pour les clauses abusives et les pratiques commerciales déloyales), au profit d’une approche horizontale. Mieux, ou pire, c’est selon, elle avait développé l’ambition d’interdire aux États membres de maintenir des dispositions plus protectrices du consommateur dans leur législation. En somme, la directive devait être d’harmonisation totale, imposant une transposition fidèle, que d’aucuns pourraient qualifier de servile, aux États membres. Au passage, on notera combien sont étranges ces directives d’harmonisation totale, « faux-nez » de véritables règlements. La combinaison de l’harmonisation totale et du domaine particulièrement large de l’intervention législative envisagée avait fait craindre à certains que la directive européenne, telle une météorite géante, n’annihile toute vie contractuelle indépendante en pénétrant dans le droit interne. La proposition de directive souffrait effectivement de quelques malfaçons notables. Par exemple, elle définissait la vente au consommateur comme « la vente de biens au consommateur par le professionnel »… Où comment définir une notion par la notion elle-même, ce que l’on ne conseille pas à un étudiant de faire. Plus sérieusement, on pouvait noter la disparition du transfert de propriété comme élément central de la vente. La résolution législative du Parlement entend ainsi corriger cette définition en faisant de la vente le « contrat en vertu duquel un professionnel transfère ou s'engage à transférer la propriété des biens à un consommateur et le consommateur paie ou s'engage à payer le prix ».
Reste que la météorite a été dépecée au fur et à mesure de son avancée dans le processus législatif. La proposition de directive d’octobre 2008, tout en restant d’harmonisation totale, ne concernait déjà plus que quatre directives. Quant à la résolution législative du 23 juin dernier, elle ne refond que deux directives sur les huit initialement envisagées dans le Livre vert de 2007, celle relative à la vente à distance, et celle sur les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux. S’agissant de ces deux types de vente, l’harmonisation reste totale et concerne essentiellement les mentions informatives précontractuelles et le droit de rétractation. On note toutefois la présence de dispositions applicables au-delà du domaine des deux directives révisées. Les premières concernent l’information précontractuelle. Ces dispositions ne sont toutefois pas d’harmonisation totale ce qui permettra aux États membres de compléter, à leur guise, la liste des informations obligatoirement transmises au consommateur avant la conclusion du contrat. Plus précisément, il sera permis aux États membres de conserver, dans leur législation, les mentions informatives qui ne figurent pas dans la directive. Les secondes concernent la notion de livraison et le transfert des risques dans la vente entre professionnels et consommateurs, et devront être intégrées dans le droit français. On est toutefois assez loin du texte initial qui prévoyait également de reprendre les règles relatives à la garantie de conformité de la directive de 1999 sur certains aspects de la vente. Les plus critiques diront sans doute qu’ils ont tout de même senti passer le « vent du boulet ».
Parallèlement aux velléités d’harmonisation des directives relatives au droit des contrats de consommation, l’Union européenne n’a jamais totalement abandonné l’idée d’unifier le droit des contrats, par-delà le seul droit des contrats de consommation. Reste que l’ambition a fluctué. Le rêve, pour les uns, cauchemar pour les autres, de la création d’un droit européen des contrats obligatoire, caressé au tournant des années 2000, a été abandonné. Seule a ensuite été envisagée la création d’une boîte à outil (« Toolbox ») dans laquelle les États auraient pu puiser des principes contractuels ou de définitions communes à l’occasion d’une réforme du droit interne. Passé d’un extrême à l’autre, le balancier contractuel européen semble aujourd’hui s’être fixé sur un moyen terme, à savoir la création d’un code des contrats transfrontaliers optionnels. L’idée serait de permettre aux contractants appartenant à deux pays de l’Union européenne distincts d’opter pour un régime contractuel européen, un 28e régime. Le projet officiel d’instrument optionnel du droit des contrats, dont une version est déjà en ligne, est annoncé pour le 12 octobre 2011. Gageons qu’il ne constituera pas la dernière étape de la saga de l’harmonisation du droit des contrats en Europe, tant les questions en suspens sont nombreuses.
Références
■ Livre vert relatif à la révision de l’acquis communautaire en matière de protection du consommateur du 7 février 2007 :
http://ec.europa.eu/consumers/cons_int/safe_shop/acquis/responses/FEB_BusinessEurope.pdf
■ Proposition de directive relative aux droits des consommateurs du 8 octobre 2008 :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2008:0614:FIN:FR:PDF
■ Résolution législative en date du 23 juin 2011 sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs :
■ Projet d’instrument optionnel en droit des contrats :
http://ec.europa.eu/justice/contract/files/feasibility-study_en.pdf
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