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Droit des contrats : réforme à l’horizon !
Miracle ?!? Alors que beaucoup en avaient fait leur deuil, au point de la baptiser d’Arlésienne du droit privé, tout laisse à penser que la réforme du droit des contrats est pour demain et que la révision du Titre III du Livre III du Code civil, ce bel endormi, est enfin en marche.
« Enfin », car le droit des contrats est le vecteur juridique de nos échanges économiques et de nos rapports sociaux, et que le Code civil, censé en constituer l’écrin, est resté quasiment inchangé depuis 1804 : depuis plus de deux siècles, en effet, il n’a subi, dans ce domaine, aucune révision digne de ce nom, susceptible de l’adapter aux mutations économiques et sociales qui se sont produites tout au long de ces dernières décennies.
« Enfin », car, alors même que notre système juridique est intégré à la famille des droits codifiés et que nous vantons les vertus de la codification, que sont l’accessibilité, la prévisibilité et la stabilité de la règle, notre Code civil n’est plus, depuis belle lurette, le reflet de la lettre et de l’esprit du droit contemporain des contrats, ni même son refuge, puisque ce droit est éparpillé dans divers codes et le Bulletin des arrêts de la Cour de cassation.
Il est donc plus que temps de recodifier la matière pour enfin sceller la réconciliation de notre Droit des contrats avec le Code civil.
C’est ce à quoi s’est manifestement décidé le gouvernement qui a pris le taureau par les cornes et a déposé, le 27 novembre dernier, un projet de loi dont chacun a pu prendre connaissance dans la presse. Selon les rédacteurs du texte, l’objectif et l’esprit de la réforme projetée n’ont rien de révolutionnaires et s’inscrivent dans la tradition de notre modèle contractuel : il ne s’agit pas, en effet, de « refondre totalement mais (de) moderniser le droit des contrats en conservant l’esprit du Code, favorable à un consensualisme propre aux échanges économiques, tout en assurant la protection des plus faibles ». En somme, ce projet se présente comme l’alliance de la liberté contractuelle, propre à garantir l’efficacité économique, et de la protection des contractants faibles, propre à assurer la justice contractuelle.
Mais ce projet revêt une dimension politique qui suscite aujourd’hui un débat qui vient de rebondir ces derniers jours. Le gouvernement souhaite, en effet, être habilité à réformer le droit des contrats par ordonnance. Après un refus clair et net du Sénat, l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur d’une réforme par voie d’ordonnance.
Sur ce, circule dans la communauté universitaire un « Appel des juristes de l’Université de Paris Est », dans lequel ces derniers « estiment absolument anormal et gravement préjudiciable qu’une réforme aussi fondamentale et d’une telle envergure puisse être opérée par voie d’ordonnance, autrement dit à la sauvette et sans aucun débat contradictoire ».
La question est alors de savoir si on peut toujours être un bon démocrate sans trouver « absolument anormal (ni) gravement préjudiciable » que la réforme du droit des contrats soit le produit de l’œuvre des experts plutôt que le fruit du vote des élus.
En ce sens, on relèvera, d’abord, que le sujet n’a jamais semblé passionner nos parlementaires, peut-être parce qu’il ne pèse d’aucun poids sur leur destin politique… Si la réforme du droit des contrats est une question « de la plus haute importance pour la cohésion sociale et l’économie française », on peut alors légitimement s’étonner que nos députés et sénateurs n’aient pas déjà pris la question à bras-le-corps, depuis le temps qu’ils sont invités à agir par les professionnels du droit et les universitaires, notamment. D’ailleurs, on se souvient que des sénateurs avaient émis naguère d’intéressantes propositions en vue d’une réforme du droit de la responsabilité civile. Manifestement, le droit des contrats n’a jamais inspiré nos parlementaires, peut-on alors reprocher au gouvernement de provoquer un mouvement que la passivité de la représentation nationale rendait nécessaire ?
Ensuite, si on se soucie de la qualité de cette réforme à venir autant que de son origine, on peut quand même rappeler que le texte actuel est le fruit de plus de dix années de réflexion, qui se sont traduites par l’élaboration de plusieurs projets, lesquels ont d’ores et déjà donné lieu à de fort nombreux et très riches débats. Il ne faut pas être grand clerc pour pressentir que les élus du peuple soient, si débat parlementaire il y avait, détournés des questions contractuelles fondamentales au profit de questions objectivement accessoires, dont les saisiraient opportunément les professionnels du droit sur fond de querelles corporatistes.
Enfin, alors que le vent de la réforme semble finalement souffler, est-il vraiment judicieux de sonner le tocsin, alors même que, quand on a réformé par voie d’ordonnance le droit de la filiation et le droit des sûretés, lesquels ne sont pas moins importants pour « la cohésion sociale et l’économie française », les cloches n’ont pas retenti, ce me semble, en tout cas pas sous la forme d’Appel ou de pétitions. J’avoue avoir des doutes…
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