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Le billet

[ 13 janvier 2020 ] Imprimer

Enseigner le droit public financier…

Un nouveau semestre universitaire débute et avec lui, les étudiants découvrent de nouvelles matières avec lesquelles ils vont développer plus ou moins d’affinités, voire pour certains pour lesquelles ils vont développer une véritable passion et le mot n’est pas faible si l’on en croit certains d’entre d’eux en ce qu’ils ont pu avoir une révélation annonciatrice de leur orientation professionnelle future.

Les finances publiques font partie de ces matières qui peuvent soulever tout autant un intérêt grandissant voire passionnant ou à l’inverse, générer une certaine répulsion qu’il revient à l’enseignant de combattre.

Souvent, l’enseignant-chercheur en finances publiques, en droit public financier s’est interrogé sur la meilleure manière d’enseigner sa matière. Des colloques ont même été organisés à ce sujet (le dernier en date de janvier 2015, Enseigner les finances publiques, Actes publiés à la Revue du Trésor et à la Revue Française de Finances Publiques). C’est dire…

L’enjeu est de taille alors qu’une mauvaise approche de la matière peut écarter ces étudiants de perspectives professionnelles pourtant des plus intéressantes.

C’est, en définitive, un combat permanent… soutenir l’attention, susciter la curiosité, développer des appétits… Parmi les matières juridiques, le droit public financier s’y prête particulièrement. Une matière qui est tellement en prise avec l’actualité qu’il n’est finalement pas si difficile de retenir cette attention. Au-delà, l’intérêt que l’on peut porter à la manière avec laquelle les fonds publics, pour l’essentiel issus des impôts, issus des contribuables, sont utilisés, va nécessairement attirer l’attention du citoyen qui ne peut rester étranger au poids des prélèvements obligatoires sur ses revenus et salaires.

Aborder le droit public financier en envisageant d’emblée la nécessité de rendre des comptes dans l’emploi des fonds publics, permet de planter un décor général dans lequel les étudiants pourront, à loisir, positionner ces actualités glanées au fil de leur pérégrination sur les réseaux sociaux. A la condition, bien sûr, que l’usage de ces derniers les conduit à identifier les flux d’information qui leur seront nécessaires.

Sinon, autant le dire très clairement, la perte de temps sera conséquente !

Ainsi abonnés aux bons réseaux, aux bonnes newletters, l’étudiant pourra utilement illustrer les cours magistraux dispensés – cours qui sont d’autant moins magistraux ou du moins théoriques, que l’enseignant a la possibilité d’illustrer d’exemples qui vont nécessairement marquer les étudiants.

L’affaire Carrefour du développement impliquant un ministre et son directeur de cabinet à qui on a reproché des détournements de fonds publics, à des fins essentiellement de financement de sa campagne électorale pour le premier, à des fins privées pour le second, se suffit à elle-même pour justifier l’intérêt qu’il convient d’accorder aux contrôles qui s’exercent sur l’emploi des fonds publics.

Il y est question de barbouzes, de faux passeports, d’exfiltration par des agents secrets, de fuite en Amérique du sud avec un retour à la case prison… tous les éléments d’un scénario digne des meilleurs films de série B y sont rassemblés.

D’autres affaires ou évènements encore, permettent d’illustrer bien des aspects du droit budgétaire, du droit fiscal ou encore du droit de la comptabilité publique.

L’origine du 3 % du PIB pour le déficit public (sur un coin de table…), le cocorico français pour la création de la TVA en 1954, le What ever it takes de Mario Draghi pour sauver l’euro, la tentative de création d’un troisième ordre de juridiction avec l’avant-projet de loi relatif aux juridictions financières de 2009… et tellement d’autres.

De rétablir des vérités aussi… alors que trop souvent les autres matières juridiques omettent certaines spécificités qui constituent autant d’exceptions aux principes enseignés. Ainsi à propos de l’arrêt Cadot du Conseil d’Etat (1889), présenté dans les cours de droit administratif comme supprimant la théorie du ministre-juge. Alors qu’il n’en est rien pour le contentieux financier où le ministre chargé des comptes publics a la possibilité de remettre en cause les décisions rendues par le juge des comptes…

D’expliquer l’incertitude qui entoure certaines notions et procédures juridiques qui ont été envisagées sur la base de théories économiques dont la pertinence apparaît bien peu évidente. Ainsi de la notion de déficit structurel avec le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en matière budgétaire de 2012), des incidences de l’évaluation d’un État par les agences de notation laissant supposer qu’une dégradation de la notation pouvait avoir une incidence sur les taux d’intérêts pratiqués à l’égard de cet État à l’occasion des emprunts contractés (valable pour la Grèce, l’approche économique s’est avérée totalement fausse pour la France…)…

De phosphorer sur des notions juridiques que trop souvent le législateur méconnait. Devant l’Assemblée nationale, ce 8 janvier 2020, le Professeur Dominique Rousseau rappelait que « l’article 24 de la Constitution dit que le Parlement vote la loi. Il ne dit pas que les députés écrivent la loi. Cela fait bien longtemps que la loi est écrite par d’autres que les parlementaires » … Et même parfois par d’autres que des juristes… Ceci explique souvent les imperfections rédactionnelles d’un texte. Les étudiants en finances publiques le découvrent avec l’ordonnance du 2 janvier 1959 qui, avant d’être remplacée par la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001), présentait d’importantes insuffisances telles que des vides juridiques, des problèmes de compréhension dans le vocabulaire employé et même des dispositions inconstitutionnelles ! 

Indéniablement, le droit public financier, les finances publiques se prêtent particulièrement à une découverte, autrement, du monde du droit. Mêlées à des aspects de science administrative et de science politique, ces matières permettent d’appréhender, avec une réalité parfois déconcertante, des pans entiers de nos droits. Une véritable découverte !

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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