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Existe-t-il une responsabilité de l’État du fait des sévices et agressions sexuelles dans les écoles privées sous contrat ?
Cas pratique : l’État peut-il être attaqué pour n’avoir pas assez contrôlé les écoles privées sous contrat, en raison des sévices corporels, agressions sexuelles voire viols qui y ont été commis ? La question relève du programme de droit administratif de L2, et les examens approchent…
D’abord, quels sont les faits pertinents ? Les écoles privées sous contrat avec l’État bénéficient d’avantages considérables tels que la prise en charge du salaire des enseignants, moyennant certaines obligations.
Dans certaines écoles, des faits souvent anciens sont révélés par les victimes, qui y étaient élèves. Ces faits relèvent le plus souvent du droit pénal : sévices corporels, agressions sexuelles, viols parfois. Lorsque les règles relatives à la prescription le permettent, ces affaires suivront leur cheminement devant la justice pénale.
Mais les autorités académiques, parfois alertées ou informées par des voies officieuses, se sont abstenues d’exercer leur contrôle. Ou si ces autorités ont été saisies, elles n’ont pas agi, que ce soit par le biais du contrat liant ces établissements à l’État, ou en saisissant la justice comme les y oblige l’article 40 du code de procédure pénale. Il en va de même des autorités de police.
Question 1 : quel régime de responsabilité s’applique éventuellement ?
Le code de l’éducation prévoit que « Les établissements d'enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l'Etat un contrat d'association à l'enseignement public, s'ils répondent à un besoin scolaire reconnu qui doit être apprécié en fonction des principes énoncés aux articles L. 141-2, L. 151-1 et L. 442-1 » (article L. 442-5). Les articles auxquels il est renvoyé font état d’un enseignement « un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances », et d’un « enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État ». Et en tout état de cause, les lois de la République (y compris pénales) s’appliquent dans les établissements privés sous contrat.
L’État assure donc, en vertu de la loi, un contrôle sur les établissements d’enseignement privé. En cas de carence ayant pour conséquence un préjudice sur les élèves, l’État peut être condamné pour faute, mais quelle faute ?
Lorsque c’est un établissement public qui est en cause, l’État est l’autorité de tutelle, et l’activité de tutelle est soumise à un régime de responsabilité pour faute lourde (CAA Paris, 17 déc. 2021, n° 19PA01128).
Mais l’État n’exerce aucune tutelle sur les établissements privés sous contrat. La loi lui confère un devoir de contrôle assimilable, par exemple, à celui de l’inspection du travail, elle-même soumise à un régime de responsabilité pour faute simple (CE, 18 déc. 2020, n° 437314). Quant à une éventuelle carence de la police, elle se juge là encore à l’aune de la responsabilité pour faute simple, n’étant pas une activité de terrain.
Question 2 : sur le fond, l’État peut-il être regardé comme fautif ?
À cette question le juge répondra au cas par cas. Il devra identifier la faute, par exemple une négligence face à des alertes, voire une volonté d’étouffer certaines affaires.
Dans certaines affaires relayées par la presse (Le Monde, mars 2025), des éléments tendent vers la qualification de faute, avec des alertes qui se sont multipliées, et un silence administratif qui ne s’est pas limité à de la seule négligence, mais a confiné à la complicité, au moins par volonté de ne pas soulever de scandale.
S’agissant des autres cas qui se multiplient dans la presse, le juge administratif, s’il était saisi, tiendrait compte le cas échéant des alertes répétées non traitées par l’administration, d’informations concordantes mais négligées. Si tant de manquements sont aujourd’hui dévoilés, et que l’autorité n’en a jamais eu vent, il faut alors se poser la question de la carence dans les méthodes de contrôle ou dans leur fréquence à l’époque des faits. Ajoutons que l’insuffisance des moyens dédiés au contrôle ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité.
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