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Le billet
Familial Hommage
Une fois n’est pas coutume, je voudrais en le nommant vous parler de mon grand-père Henri Mazeaud.
Mais pourquoi exécuter ce devoir de mémoire dans un site Étudiant ???
D’abord, parce que professeur de droit, Henri Mazeaud aimait passionnément son métier et les étudiants qui se réunissaient en amphi pour assister à son cours. D’ailleurs, beaucoup des ouvrages qu’il rédigea avec ses frères Léon et Jean leur étaient consacrés. D’une part, les Méthodes générales de travail qui, à une époque où les travaux dirigés n’existaient pas encore, permirent aux étudiants d’apprivoiser les différents types d’exercices juridiques, à savoir la dissertation, les commentaires de textes et d’arrêts, le cas pratique, la note de synthèse, etcetera…
D’autre part, dès 1955, les Leçons de droit civil, ouvrage destiné aux étudiants qui, pendant plusieurs décennies constitua leur livre de chevet.
Mais l’ouvrage qui, sans doute, contribua à leur plus grand succès doctrinal, est le Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, lequel fût couvert de louanges et ses auteurs félicités « de prendre nettement parti sur chacune des multiples difficultés que soulève la responsabilité civile, sans jamais abdiquer leur indépendance et leur liberté devant les théories de la doctrine et les solutions de la Jurisprudence ». Quand il exprima son opinion sur cet ouvrage, dans le Recueil Dalloz, Louis Josserand écrivit : « Le Traité de plus de deux mille pages de MM. Henri et Léon Mazeaud fera époque dans les sciences juridiques française dont il contribuera à rehausser le prestige et l’éclat… Jamais, l’union de deux esprits aussi semblables et distingués n’aura fait une plus grande force intellectuelle ».
Henri Mazeaud ne fût pas simplement un juriste d’exception, il était aussi un homme d’exception.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il entre, tout comme son frère jumeau Léon, dans la résistance et intègre le réseau Alliance. Il procède à des émissions de radio clandestine et participe à la rédaction et à la diffusion de la presse de la Résistance. Il est, à cette même époque, affecté à une Brigade polonaise et participe à la campagne de Narvik à l’issue de laquelle l’ennemi fût chassé de Norvège.
Dénoncé, tout comme son frère Léon qui fût déporté à Buchenwald, Henri Mazeaud fût un patriote d’exception, ce qui emporta la remise à son profit de prestigieuses décorations.
Le souvenir le plus émouvant que je conserve de son courage exceptionnel pendant les années qui furent celles de la guerre se produisit il y a quelques années à l’issue d’une soutenance de thèse dont j’étais membre du jury : un autre membre du jury s’adressa à moi : « Monsieur, votre famille est gaullienne et de confession catholique tandis que la mienne est socialiste et de confession juive, mais en dépit de ces différences, jamais un membre de ma famille ne dira du mal de la vôtre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, mon père craignait d’être arrêté par la gestapo et d’être déporté. Quelqu’un lui a alors conseillé d’aller à la Faculté de droit de Paris et de rendre visite aux frères Mazeaud dans leur bureau car ils pourraient lui trouver des faux-papiers. Ce qu’il fit. Et le lendemain de sa première visite, il retourna les voir, à leur demande : ils lui remirent alors les faux papiers en question. Grâce à eux, il eût donc la vie sauve et je suis né quelques années après. Au fond, ma famille doit donc la vie à la vôtre ».
Vous comprendrez alors pourquoi, j’ai tenu, dans ce petit billet, rendre hommage à Henri Mazeaud, mon grand-père dont je suis si fier aujourd’hui, encore…
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