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Le billet
Dépenses publiques : évitons le massacre à la tronçonneuse…
Dès les premiers jours de son second mandat, le Président américain Donald Trump a donné le ton : il est question de tailler dans les dépenses de l’État, d’identifier les gaspillages d’argent public et d’y mettre un terme. Pour l’y aider, Elon Musk auquel le Président Javier Milei a offert, il y a quelques jours, une tronçonneuse…
Assurément, il s’agit d’aller vite et en profondeur et très probablement, de profiter de l’effet de sidération occasionné par cette vitesse d’exécution dont il faudra bien, à l’arrivée, interroger les résultats, tous les résultats.
Ce qui apparaît indiscutable, c’est que cette politique de réduction de la dépense publique est menée tambour battant, ne laissant aucun repos aux acteurs comme aux spectateurs, tenus en haleine par l’énormité de la situation.
Précédés en cela par Javier Milei et son « Afuera », Donald Trump et Elon Musk ouvrent une voie qu’il serait périlleux d’emprunter sans un minimum de précautions.
L’approche américaine de la dépense publique par la recherche d’économies à réaliser, interroge le mode opératoire. L’avenir nous permettra de tirer les enseignements de cette séquence américaine inédite. Mais sans attendre, la logique trumpienne se fait déjà sentir de l’autre côté de l’Atlantique. La tentation est là, de renverser les tables et de voir ce qu’il se passe. Mais à ce petit jeu, le risque est grand de couper dans la dépense sans discernement. L’idéal étant d’éviter les rétropédalages – ce qu’a déjà du faire le Doge (Department of Government Efficiency) alors que du personnel dédié à la sécurité nucléaire a été licencié…
Particulièrement ciblées ces derniers jours, les dépenses de l’AFD (Agence Française du développement) qui a bien tenté d’inverser le scénario au moyen de justifications distillées via les réseaux sociaux… Le Gouvernement s’est trouvé contraint d’annoncer la création d’une commission pour évaluer l’utilité de l’aide publique au développement. Peut-être cela pourrait-il également donner l’idée à la Cour des comptes de lancer un audit flash…
En attendant de démêler le vrai du faux, il apparaît évident qu’il n’est plus possible, aujourd’hui, de dépenser comme la France avait l’habitude de le faire. Indépendamment des montants en jeu, les thématiques financées par l’AFD peuvent surprendre… Alors que la situation budgétaire et d’endettement public de la France est ce qu’elle est, toutes les administrations de l’État, de la sécurité sociale, des collectivités locales et leurs établissements publics rattachés qu’ils soient établissements publics administratifs ou comme l’AFD, établissements publics industriels et commerciaux, au-delà tous les organismes privés quel que soit leur statut, dès lors qu’ils bénéficient de subventions ou de dotations et plus largement, dès lors qu’ils sont associés à une mission d’intérêt général, doivent être en mesure de justifier de la pertinence de leurs dépenses. Le cas échéant, doivent être en capacité de faire le tri dans leurs dépenses et de mettre un terme à celles qu’il n’est plus possible de financer dans le contexte budgétaire actuel.
Il est préférable que chacun balaie devant sa porte et fasse les efforts nécessaires pour diminuer le poids de la dépense publique. Un exercice difficile, probablement délicat pour certains services – ce n’est pas faire injure que de rappeler que la France a perdu cinq places dans le dernier classement concernant l’indice de perception de la corruption, désormais en 25ème position (11 février 2025). Ainsi que le souligne Transparency International France, cela « met en lumière des failles structurelles dans la lutte contre la corruption, aggravées par des scandales récents et une perte de confiance dans les institutions démocratiques ».
Cette perte de confiance est une porte ouverte aux dérives en tout genre. Et c’est justement pour y remédier qu’il est indispensable que dès aujourd’hui, des mesures soient prises pour interroger nos dépenses publiques et effectuer le tri nécessaire. Cet effort est indispensable afin que la réduction de la dépense publique se fasse le plus sereinement possible, non à pas forcés mais à un rythme néanmoins soutenu, car l’expérience américaine et les révélations de gabegies dans l’emploi des fonds, inspirent forcément de ce côté de l’Atlantique et donnent clairement une voie à suivre…
En ce sens, il faut saluer le travail entrepris par Christelle Morançais, Présidente de la région Pays de la Loire qui a fait voter un budget avec une réduction de 100 millions d’euros de dépenses. À juste titre, elle souligne que le sujet n’est pas celui du comment faire mais du courage pour le faire, ce qui impose de faire des choix et de s’y tenir.
C’est ce qui a manqué aux parlementaires dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. La situation budgétaire de la France aurait dû les amener à interroger prioritairement le niveau des dépenses de l’État. Au lieu de cela, les débats se sont concentrés sur la première partie de la loi de finances et donc sur ses recettes fiscales.
Probablement ont-ils également manqué de temps. C’est pourquoi nous invitions le Gouvernement à agir en deux temps. Avec une première loi de finances contenant les dispositions les plus consensuelles puis une loi de finances rectificative pour les décisions nécessitant un temps de débat parlementaire plus important (https://actu.dalloz-etudiant.fr/focus-sur/article/sur-le-rejet-du-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-sociale-1/h/683d20d324f957590f9bc8358b169a31.html). Il apparaît ainsi indispensable de remettre le travail sur l’ouvrage et de déposer un projet de loi de finances rectificative avec l’idée d’interroger les dépenses de l’État, d’identifier les marges de manœuvre et de proposer des réductions là où cela peut être envisagé. Cela apparaît d’autant plus nécessaire dans le contexte actuel car, en dépit de ses excès, l’épisode américain a mis en évidence une nécessité, celle d’interroger nos dépenses publiques. Il serait hasardeux d’en repousser encore l’échéance et bien au contraire, s’il s’agissait pour un Gouvernement de se trouver une pleine légitimité et de conforter son assise politique – notamment dans la perspective de prochaines échéances électorales -, il est indispensable de se saisir de ce sujet et d’en faire une priorité.
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