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Le billet
Interdire la Burqa ? Débats complexes au sein de la mission d'information parlementaire…
Depuis le début du mois de septembre, une mission d'information créée à l'initiative André Gérin député maire de Vénissieux, procède à des auditions sur « la pratique du port du voile intégral sur le territoire national », autrement dit sur le port de la Burqa, pour reprendre la terminologie entrée dans le langage courant.
Même si, jusqu'à présent, les juristes n'ont pas été conviés à exposer leur point de vue, les différents intervenants, issus soit des milieux intellectuels soit associatifs ont été amenés à s'interroger sur les présupposés et les incidences juridiques d'une mesure de restriction ou d'interdiction du port de cette tenue.
Comme cela était prévisible, et dans la lignée des débats sur l'interdiction des signes religieux dans l'espace scolaire, il ne s'est pas fait d'accord entre les intervenants, ni sur la nature des principes à mettre en œuvre (laïcité/liberté d'expression vestimentaire/liberté religieuse/égalité/parité/dignité), ni sur leurs limites (espace public contre espace privé, droit de renoncer à ses droits, exigences de l'ordre public, devoir de rester identifiable...).
Cela aurait-il été différent si des juristes avaient été interrogés ? Très probablement non, comme nous l'ont montré les débats déjà évoqués sur les signes religieux dans les établissements scolaires. Et c'est en cela que le compte rendu des travaux de cette mission est sans le plus intéressant : il montre comment la détermination des principes applicables à une hypothèse, leur mise en relation, leur hiérarchisation (même si le droit français est très réticent à la hiérarchisation des droits) est un travail qui est tributaire de la position des individus dans l'espace social : hommes ou femmes, élus de circonscriptions ayant une population musulmane importe ou non, réflexion issue d'une expérience individuelle ou d'une position conceptuelle... on pourrait multiplier les points de vue.
La lecture de ces comptes-rendus peut-être une méditation sur le relativisme des droits, elle peut-être également une réflexion sur les sources de la construction d'une pensée juridique, et elle peut être également un observatoire de la montée de nouvelles préoccupations sociales et donc juridiques. Ici, par exemple, on sent poindre une nouvelle exigence sociale qui pourrait être énoncée comme «l'obligation d'être identifiable dans l'espace public », qui pose des questions inédites et redoutables.
Et plus globalement, ces travaux nous montrent un droit « en train de se faire », au sein de la société civile, au moment où les positions ne sont pas figées, les enjeux pas encore hiérarchisés, les idéologies politiques ou religieuses hésitantes. En cela ils sont d'une lecture captivante pour le juriste qui a rarement l'occasion d'être confronté à une telle expérience.
Référence
Tes travaux de la mission : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-miburqa/08-09/index.asp
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