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Jeu de loi, jeu d’adresse… À propos de la délibération n° 2011-121 du 18 avril 2011 de la HALDE
Les Mureaux, les Baumettes, La Courneuve, Clichy-sous-bois… Non il ne s’agit pas d’un énième début de discours de notre président de la République sur la sécurité dans les banlieues. Pourtant, ces villes évoquent souvent dans l’esprit de ceux qui ne les connaissent pas, qui n’y ont pas de famille ou n’y ont pas habité, des zones d’insécurité et de violence.
Les Mureaux, les Baumettes, La Courneuve, Clichy-sous-bois… Non il ne s’agit pas d’un énième début de discours de notre président de la République sur la sécurité dans les banlieues. Pourtant, ces villes évoquent souvent dans l’esprit de ceux qui ne les connaissent pas, qui n’y ont pas de famille ou n’y ont pas habité, des zones d’insécurité et de violence. Cet a priori sur les banlieues n’est pas anodin car il existe un « effet de réputation du quartier » source de nombreuses discriminations. Telle était la conclusion de l’étude sur l'emploi des jeunes des quartiers populaires menée en 2008 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Cette discrimination à l’adresse est subie dans des domaines aussi divers que ceux des biens et services, de l’accès aux soins, des prêts bancaires ou encore de l’embauche. Après le CESE, plusieurs propositions de réforme ont été, sans succès, formulées. Ainsi de celle d’Éric Besson qui avait déjà envisagé en juillet 2010 d’intégrer à la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations un dispositif de lutte contre cette nouvelle forme de discrimination.
Devant l’intensification du phénomène et après avoir été saisie d’une plainte de la commune de la Courneuve, la HALDE, dans une de ces dernières délibérations du 18 avril 2011 avant son absorption par le défenseur des droits, a demandé au législateur d’introduire un 19e cas de discrimination au sein du Code du travail (art. L. 1132-1 C. trav.) et de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 relative à la lutte contre les discriminations : la discrimination par l’adresse.
Dans l’idée, le « cri d’alarme » de la HALDE est appréciable. Le discours souvent négatif sur les banlieues n’est pas seulement insultant et dévalorisant. Il véhicule désormais des préjugés qui rejaillissent sur la vie sociale de ses habitants.
Cependant, est-il opportun de lutter contre cette « nouvelle » forme de discrimination par la formalisation législative d’un 19e cas de discrimination ? On peut en douter. Tout d’abord, la preuve d’une telle discrimination sera problématique, à moins d’intensifier la méthode controversée du testing. Ensuite, on pourrait suggérer, en matière d’embauche, de ne plus faire référence à l’adresse dans les lettres de candidature. Mais alors il faudrait également exclure l’âge, le sexe, le statut familial et tout autre critère d’individualisation afin d’éviter en amont tout risque de traitement inégal. Le candidat idéal deviendrait ainsi « un inconnu venu d’ailleurs » ! Enfin, et surtout, en se concentrant sur le critère de l’adresse, on peut se demander si le risque n’est pas d’éviter le vrai débat : la discrimination sociale et raciale dont peuvent être victimes un grand nombre d’habitants de ces villes de banlieues. Derrière l’adresse, c’est le débat sur la diversité qui doit l’emporter. À dire vrai, créer une nouvelle discrimination par l’adresse n’est pas la solution. À l’instar des questions de sexe ou de race, il s’agit tout autant d’une question citoyenne que d’une question juridique. Les solutions se situent hors les murs du droit : arrêtons de réduire une commune à sa cité et la cité à une ou deux familles de délinquants ; arrêtons de parler des banlieues uniquement dans le cadre d’un débat sur la sécurité et insistons sur la solidarité très forte qui y règne ; arrêtons de faire l’amalgame entre « banlieusards » et délinquants ; valorisons la diversité des gens qui y vivent, la richesse des activités culturelles qui s’y déroulent, la volonté et l’ambition des nombreux jeunes qui la composent. Si l’on veut lutter contre les risques de discrimination à l’adresse, il faut diffuser le vrai visage des banlieues : un lieu où vivent des personnes comme les autres, pas plus, pas moins.
Sur un sujet aussi sensible, rappelons aux parlementaires qui se pencheront le 12 mai sur une proposition de loi socialiste sur la discrimination, qu’il faut savoir légiférer en tremblant. Quoi qu’il en soit, la question de la discrimination confirme que le jeu de la loi demeure en la matière un véritable « jeu d’adresse ».
Références
■ Article L. 1132-1 du Code du travail
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
■ Loi du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations.
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