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Le billet
Jeux de pieds, jeux de…
Qui l’eût cru, voilà que les frasques d’un ex-sous-ministre, mis en examen pour viols et agressions sexuelles et placé sous contrôle judiciaire et redevenu député, par la grâce de la révision constitutionnelle de 2008, portée par notre président de la République himself, incitent à quelques réflexions diverses et variées.
D’abord, au moment d’évoquer l’affaire de cet homme politique dont la rumeur veut qu’il prenait le sien en massant ceux des autres, on éprouve moult difficultés de vocabulaire. Sur le plan de la technique juridique, il n’est pas concevable, sauf à enterrer la présomption d’innocence, à parler de présumé coupable, pas plus que de présumées victimes, voire de victimes tout court… En effet, employer le mot « victime » revient nécessairement à postuler qu’il y a un coupable, or, au jour où l’on s’exprime c’est la parole de plusieurs femmes contre celle d’un homme. Or, que l’on sache, ni le nombre, ni le sexe ne permettent d’accéder automatiquement au statut, juridiquement chargé de sens, de victime. En toute rigueur, il faudrait opposer de prétendues victimes au prétendu coupable… Mais, si on utilisait ce vocabulaire, nul doute qu’on serait immédiatement voué gémonies, comme méprisant la parole de femmes, « victimes » d’agressions sexuelles. Pourtant, en l’état, le doute juridique demeure et doit profiter à l’accusé…
Ensuite, mais c’est une confirmation, il est clair que dans cette affaire, comme dans l’affaire DSK, le doute ne profite pas à l’accusé, ni sur le plan médiatique, ni sur le plan politique. Le tribunal de la presse rend sa sentence, sans qu’aucun principe directeur du procès, notamment le principe du contradictoire et les droits de la défense, ne soit respecté. Et pourtant, son verdict est défini, sans l’espoir de voie recours, quelle que soit finalement la décision prise par le juge. Même judiciairement innocenté, l’homme politique tombé dans les mailles de la justice médiatique y restera emmêlé à jamais. Et en général, la condamnation politicienne suit, comme l’accessoire suit le principal, le lynchage médiatique. Pour preuve, on saluera par exemple, dans l’affaire évoquée dans ces lignes, la réaction de députés du même parti que le « de-nouveau » député, qui témoignant d’un sens de la solidarité et de la présomption d’innocence qui méritent d’être salué, se sont exclamés : « On (s’en) serait volontiers passé ».
Enfin, si cette affaire a finalement du bon, c’est qu’elle clouera peut-être le bec à tous ceux qui avaient tressé des couronnes de lauriers à cette héroïque justice américaine qui ne distinguait pas selon les riches et les puissants pour se mettre en branle et qui avait fustigé la justice française culturellement inféodée aux puissants et tellement dépendante des princes qui nous gouvernent, qu’elle laissait impunie les fautes commises par ces derniers, car qui « veut plaire, ne châtie pas »… Sauf à se tromper, les juges français n’ont ni tardé, ni hésité, à s’en prendre à ce presque ministre en exercice qui aimait parler aux orteils des femmes, et pire si affinités, dont l’immunité parlementaire aussitôt retrouvée, aussitôt perdue, a été levée par ses propres pairs… Les éternels donneurs de leçon auraient pu en prendre acte et ne plus désespérer de la justice et de la République, comme il est de bon ton de le faire pour mettre les râleurs de son côté.
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