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Le billet

[ 15 mars 2011 ] Imprimer

Justice honteuse

Bien sûr, il n’y avait pas de quoi casser trois pattes à un canard, ni faire les unes des journaux télévisés…

Pensez, alors que le feuilleton du procès de l’ancien maire de Paris, accessoirement aussi ex-président de la République, battait son plein et tenait en haleine la petite planète médiatique qui décide ce qui est important et ce qui ne l’est pas, il s’agissait très modestement de statuer sur la responsabilité de quelques lampistes à l’occasion d’un incendie survenu, voici déjà 5 ans, dans un immeuble quasi insalubre d’un quartier parisien pas chic du tout… Ah, certes, cet incendie criminel avait provoqué la mort de 17 personnes dont une dizaine de très jeunes enfants, mais il s’agissait de personnes d’origine africaine, alors vous comprenez que son traitement judiciaire ne méritait pas toutes les attentions que le procès des emplois fictifs avait suscitées dans l’Île de la Cité.

En d’autres termes, alors que le non-procès du vieux chef corrézien avait été prévu pour se dérouler en première classe, celui de la tragédie du boulevard Vincent Auriol avait été relégué en seconde classe… Et pendant près de deux jours, délai durant lequel notre justice avait décidé d’expédier cette affaire bénigne, ce fut une succession d’humiliation pour les familles des victimes de cette tragédie.

D’abord, la salle prévue était trop petite pour que puissent y entrer toutes les parties civiles. Ensuite, on manqua de chaises pour que toutes puissent s’asseoir. Enfin, quand un espace décent put être déniché, c’est le micro qui ne fonctionnait pas, tant et si bien qu’en plus d’être aveugle, la justice était devenue muette.

N’en pouvant plus, la présidente du tribunal correctionnel s’écria : « la justice baisse les bras » et reporta le procès aux calendes grecques… tout en s’excusant de ce que cette parodie illustrait la grande misère matérielle de notre justice par les temps qui courent.

Je ne sais pas vous, mais moi, aujourd’hui j’ai honte et j’enrage. Honte que justice ne puisse pas être rendue pour des raisons matérielles à des familles qui ont perdu les leurs, parce que le budget de la justice est d’une faiblesse indigne d’un grand pays démocratique. J’enrage de ne pas avoir entendu notre garde des Sceaux présenter ses plus plates excuses à ces familles dont les nuits sont d’interminables cauchemars.

J’ai honte et j’enrage que la patrie des droits de l’homme traite des victimes avec une désinvolture indécente et ne mette pas tout en œuvre pour que justice soit rendue dans le respect de leurs souffrances.

 

Auteur :Denis Mazeaud


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