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Le billet
Justice spectacle, justice discréditée
Une poignée de handballeurs, dont certains font partie des fameux « experts » qui composent ceux que les spécialistes considèrent comme la meilleure équipe de handball de tous les temps, se sont donc fait pincer les doigts dans le pot de confiture. En clair, ils sont accusés d’avoir parié sur… la défaite de leur club, Montpellier, lors d’un match qui s’est déroulé l’année dernière, alors que les jeux étaient faits, entendons par là que leur club était déjà assuré de décrocher le titre de champion.
Si l’on croit encore aux vertus de la présomption d’innocence et faute d’avoir accès aux pièces du dossier, à l’heure actuelle, on ne sait pas encore ni si les joueurs sont coupables, ni ce qui est précisément reproché aux uns et aux autres. La lecture assidue du journal L’Équipe laisse toutefois entendre que certains joueurs qui avaient joué le match litigieux avaient bien parié, que d’autres ne jouaient pas mais avaient parié, et que le plus célèbre d’entre eux, l’icône du handball français, n’avait pas joué et n’avait pas parié, mais que son épouse, elle, avait mis quelques milliers d’euros sur la défaite de l’équipe de son champion de mari.
Si l’on s’en tient à ces seuls faits et pour peu qu’ils soient avérés, on ressent évidemment un fort écœurement à l’idée que des sportifs professionnels de très haut niveau puissent, directement ou indirectement, parier sur la défaite de l’équipe dont ils défendent les couleurs et du club dont ils sont les salariés. Trahir, pour quelques euros de plus, l’esprit d’équipe donne la nausée à ceux qui croient encore que, même professionnel, le sport est un univers qui promeut et exalte des valeurs qui n’ont rien à voir avec le culte du fric.
Reste que si les soupçons qui pèsent sur les joueurs qui ont été placés en garde à vue devaient se confirmer, ceux-ci seraient susceptibles de diverses sanctions fulminées par des codes divers et variés. Ils entreraient, d’abord, dans le champ d’application de l’article L.131-16 du Code du sport, car le sport a son code…, aux termes duquel, en substance, il est interdit aux sportifs de parier sur les compétitions auxquelles ils participent. Ils seraient alors passibles d’une suspension, pas très lourde, de 6 matches et d’une amende, pas très importante, de 15 000 euros. Ils entreraient, ensuite, dans le domaine du Code du travail, en tant qu’auteurs d’une faute grave qui autoriserait leur employeur à leur montrer la porte de sortie… Ils seraient peut-être, enfin, menacés par l’application de l’article 445-2-1 du Code pénal, s’il pouvait être démontré qu’ils avaient été corrompus pour infléchir le résultat du match en question, auquel car l’addition serait autrement plus salée, puisqu’ils encourraient alors 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amendes…
Pures et simples conjectures évidemment puisque les joueurs en question sont jusqu’à plus ample informer, en dépit de leur garde à vue, présumés innocents. On doit donc déplorer le spectacle navrant qui nous a été joué tant par la police que par le parquet, ces dernières semaines. Quel intérêt de cueillir les suspects à la sortie d’un match, si ce n’est de s’assurer de la présence des caméras de télévision et de faire la « une » des journaux télévisés, pour que justice médiatique soit immédiatement faite ? Dans quel but le procureur organise-t-il une conférence de presse partiale au cours de laquelle il fait part de son opinion sur le dossier pendant la garde à vue des joueurs, lesquels pas plus que les avocats n’ont alors accès au dossier, si ce n’est pour accélérer le lynchage des suspects qui deviennent insensiblement des présumés coupables ?
Le pire, c’est qu’en dépit de cette justice spectacle qui discrédite l’institution judiciaire, l’homme de la rue conserve manifestement sa sympathie pour les handballeurs suspects, notamment pour le champion olympique qui, avant son arrestation, louait son image à un site de… paris en ligne… Deux poids, deux mesures, si on compare la réaction de la vox populi à l’encontre de ces racailles de footeux qui, lors d’une coupe du monde au pays de l’Apartheid, avaient commis le crime de lèse-majesté de refuser de descendre du bus pour s’entraîner… Allez comprenne qui pourra et vive le sport !!!
Références
■ Article L. 131-16 du Code du sport
« Les fédérations délégataires édictent :
1° Les règles techniques propres à leur discipline ;
2° Les règlements relatifs à l'organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés ;
3° Les règlements relatifs aux conditions juridiques, administratives et financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu'elles organisent. Ils peuvent contenir des dispositions relatives au nombre minimal de sportifs formés localement dans les équipes participant à ces compétitions et au montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportive.
Elles édictent également des règles ayant pour objet d'interdire aux acteurs des compétitions sportives :
a) De réaliser des prestations de pronostics sportifs sur ces compétitions lorsque ces acteurs de la compétition sont contractuellement liés à un opérateur de paris sportifs titulaire de l'agrément prévu à l'article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ou lorsque ces prestations sont effectuées dans le cadre de programmes parrainés par un tel opérateur ;
b) De détenir une participation au sein d'un opérateur de paris sportifs titulaire de l'agrément prévu au même article 21 qui propose des paris sur la discipline sportive concernée ;
c) D'engager, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris reposant sur la compétition à laquelle ils participent et de communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l'occasion de leur profession ou de leurs fonctions, et qui sont inconnues du public.
Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national des activités physiques et sportives, fixe les conditions d'entrée en vigueur des règlements fédéraux relatifs aux normes des équipements sportifs requises pour la participation aux compétitions sportives organisées par les fédérations délégataires. »
■ Code pénal
Article 445-1
« Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni chargée d'une mission de service public, ni investie d'un mandat électif public exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale ou pour un organisme quelconque, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, pour qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, ou parce qu'elle a accompli ou s'est abstenue d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.
Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, de céder à une personne visée au premier alinéa qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, pour accomplir ou avoir accompli, pour s'abstenir ou s'être abstenue d'accomplir un acte visé audit alinéa, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. »
« Les peines prévues à l'article 445-2 sont applicables à tout acteur d'une manifestation sportive donnant lieu à des paris sportifs qui, en vue de modifier ou d'altérer le résultat de paris sportifs, accepte des présents, des dons ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin qu'il modifie, par un acte ou une abstention, le déroulement normal et équitable de cette manifestation. »
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