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Le billet
La ballerine et le député, et la démocratie
Les débats parlementaires relatifs à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels touchent à leur fin. Il était temps car la violence et le ridicule ont gagné les bancs de l’hémicycle. Dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 avril, une altercation digne de cour d’école a éclaté à l’Assemblée nationale.
Alors qu’un député de l’UMP était en train de s’indigner de l’attitude des forces de l’ordre à l’encontre des manifestants qui se trouvaient aux abords de l’Assemblée nationale, un sourire narquois, une moquerie ou un soufflement d’exaspération, c’est selon, émanant d’un haut fonctionnaire situé derrière la garde des Sceaux, a provoqué l’ire des députés de l’opposition. Tel un zébulon sortant de sa boîte, Christian Jacob se leva alors pour réclamer un rappel au règlement. Las, d’autres députés de l’opposition se dirigeaient déjà vers les bancs du gouvernement pour aller s’expliquer virilement avec le haut fonctionnaire en question. Sur Internet circulent ainsi quelques photos de cette empoignade, digne de la plus vile des Républiques bananières. Voilà pour la violence qui, même si elle n’est pas d’une intensité folle, est symboliquement inacceptable. Le Saint des Saints de la République ne devrait pas connaître de tels débordements.
Le ridicule s’est produit quelques minutes plus tard lorsque, pour expliquer la colère de l’opposition, un député a sorti de la poche intérieure de sa veste une ballerine. La brandissant devant les caméras, comme d’autres avaient brandi la Bible lors de la discussion relative au Pacs… — chaque époque a les symboles qu’elle mérite —, le député en question s’insurgea, encore, contre les forces de l’ordre qui, selon lui, s’en prenaient aux jeunes filles en ballerine. L’histoire ne dit pas cependant si, pour retrouver la jeune fille en question, un essayage national de la chaussure sera organisé.
Certes, l’élection, gage de légitimité démocratique, n’a jamais assuré la compétence des élus. L’histoire est pleine de glorieux imbéciles ayant réussi à se faire élire. Non pas que le signataire de ces lignes ait une solution miracle à proposer : « La démocratie est la pire forme de gouvernement à l’exclusion de tous les autres qui ont été essayés » (W. Churchill).
Mais justement, Frigide Barjot… — là encore, chaque époque a les égéries qu’elle mérite — ne cesse de crier au déni de démocratie. Mais qui ne voit qu’il s’agit d’une ineptie ? Où est le déni de démocratie lorsqu’un président, démocratiquement élu, propose à l’Assemblée nationale, démocratiquement élu, de mettre en œuvre son programme politique ? De la même manière, et pour éviter les reproches que l’on sent poindre chez le lecteur, il n’y avait eu aucun déni de démocratie lorsque Nicolas Sarkozy, démocratiquement élu, avait fait voter par sa majorité, démocratiquement élue, la réforme des retraites en dépit des manifestations d’une partie de la population…
Que l’on se comprenne bien. Le projet relatif au « mariage pour tous » porte en lui un changement de société important. La frustration de ceux qui s’oppose à ce projet est compréhensible. Mais il en va ainsi de la vie en démocratie et, sauf à basculer dans la République sondagière, il est normal que la majorité en place suive son programme politique. Le débat relatif au mariage pour tous s’est finalement, et tristement, réduit à un débat partisan, même si certains osent encore dire qu’il n’y a pas eu de débat. Mais, là encore, le fait que l’on n’ait pas emporté la conviction de son interlocuteur à l’issue d’une discussion, ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de discussion.
La rhétorique du déni de démocratie est usée jusqu’à la corde, tant elle a été utilisée par la droite et la gauche au fur et à mesure de l’alternance politique, au point que l’on a parfois l’impression d’assister à un théâtre de guignols. D’ailleurs, comme dans tous les théâtres de guignols, le méchant est toujours le policier qui met des coups de bâtons… Odieux fascistes prenant plaisir à réprimer la classe ouvrière lorsque la droite est au pouvoir, les CRS se muent en odieux gauchistes bastonnant les jeunes filles en ballerine lorsque c’est la gauche qui dirige le pays…
Vivement que cet épisode se termine et que l’on sache, enfin, si la différence de sexe dans le mariage est, comme cela est parfois soutenu, un principe fondamental reconnu par les lois de la République auquel le Parlement ne pourrait pas porter atteinte.
Citation
■ W. Churchill : « Many forms of Government have been tried, and will be tried in this world of sin and woe. No one pretends that democracy is perfect or all-wise. Indeed it has been said that democracy is the worst form of Government except for all those other forms that have been tried from time to time.… ».
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