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La Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
La loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été adoptée au cœur de l’été. Nombreuses sont les critiques qui ont été adressées à l’encontre de cette loi, d’aucuns évoquant un espoir déçu.
Pourtant, la répression contre les violences sexuelles est clairement renforcée par cette loi qui, loin s’en faut, n’est pas vide.
D’abord, le délit d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans est plus sévèrement réprimé. La peine encourue passe en effet de cinq d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende à sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende (C. pén., art. 227-25).
Ensuite, une nouvelle circonstance aggravante est prévue lorsqu’un viol ou une agression sexuelle, autre que le viol, a été commis.
« Lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes », la peine encourue pour le viol passe de quinze ans de réclusion criminelle à vingt ans, tandis que celle encourue pour les autres agressions sexuelles passe de cinq à sept ans. (C. pén., art. 222-24, 222-28, 222-30).
En outre, le fait d’administrer à la victime, à son insu, une substance dans le but de commettre un viol ou une agression sexuelle est érigé en infraction autonome, punie de cinq ans d’emprisonnement (C. pén., art. 222-30-1).
Quant à la prescription contre les infractions de nature sexuelle, commises à l’encontre des mineurs, elle passe à trente ans, le délai ne commençant à courir qu’à compter de la majorité de la victime, celle-ci pouvant donc agir jusqu’à l’âge de 48 ans, indépendamment de la date de commission des faits.
Par ailleurs, d’un point de vue procédural, si, au cours d’un procès d’assise ouvert pour viol sur mineur de 15 ans, l’existence d’une violence, menace, contrainte ou surprise est contestée, le président doit poser la question subsidiaire de la qualification d’atteinte sexuelle.
L’idée est d’éviter que, dans cette hypothèse, le procès se termine par un acquittement des faits de viol, sans que le prévenu soit condamné des faits d’atteinte sexuelle.
Malheureusement, toutes ces avancées, et d’autres non évoquées faute de place, ont été éclipsées par le débat lancé autour de la « présomption de non-consentement » des mineurs.
Poussée par l’opinion publique, légitimement choquée par les viols sur mineurs, la Ministre de la justice, ainsi que la Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, avaient initialement envisagé de rendre quasi-automatique la qualification de viol en cas de rapports sexuels avec pénétration entre un majeur et un mineur de quinze ans.
Le texte initial prévoyait en effet que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur un mineur de quinze ans par un majeur » constituerait un viol « lorsque l'auteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime ».
Ainsi, l’élément intentionnel du viol aurait été réduit à la seule connaissance de l’âge de la victime ou au fait que l’auteur ne pouvait ignorer cet âge, l’essentiel de l’infraction résidant alors dans l’élément matériel.
Or, le Conseil d’État objecta que la réduction de l’élément moral de l’infraction à la seule connaissance de l’âge de la victime exposait le texte à une censure du Conseil constitutionnel (avis consultatif, 21 mars 2018 n° 394437).
Le gouvernement abandonna ainsi son projet initial, sans renoncer à la volonté de faciliter l’incrimination de viol ou d’agression sexuelle lorsque ces derniers sont commis sur un mineur de quinze ans.
L’article 222-22-1, alinéa 3 du Code civil énonce aujourd’hui que « lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ».
Or, malheureusement, le texte est ambigu et, en conséquence, sujet à plusieurs interprétations.
D’un côté, nombreux sont ceux qui critiquent le texte au motif qu’il n’apporte rien au droit positif. Il ne dispenserait pas de la recherche de l’existence ou non du discernement de la victime, celle-ci n’étant dans un état de vulnérabilité que dans l’hypothèse où il serait démontré qu’elle ne disposait pas du discernement nécessaire.
Pourtant, de l’autre, il est possible de penser que le texte est porteur d’une affirmation, affirmation selon laquelle le mineur de quinze ans ne dispose pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes, ce qui le place dans une situation de vulnérabilité.
Il ne resterait alors qu’à prouver « l’abus » commis par l’auteur pour qu’il soit condamné des faits de viol ou d’agression sexuelle.
La confrontation des alinéa 2 et 3 de l’article 222-22-1 du Code pénal pourrait faire pencher la balance vers cette seconde interprétation.
En effet, dans l’alinéa 2 de l’article 222-22-1, le législateur précise que « lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l'article 222-22 peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur ».
N'est-ce pas dire que, pour les victimes mineures de quinze à dix-huit ans, la contrainte peut résulter de la conjonction entre, d’une part, la différence d’âge et, d’autre part, une autorité de droit ou de fait de l’auteur sur la victime tandis que, pour les victimes mineures de quinze ans, la contrainte résulte de l’abus de vulnérabilité dans laquelle se trouve ces victimes du fait même de leur âge ?
Les juges seront amenés à trancher.
Quoi qu’il en soit, ils sont dotés de nouveaux moyens légaux leur permettant de sanctionner, plus facilement qu’auparavant, les agressions sexuelles sur mineur de quinze ans.
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