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La nouvelle organisation territoriale de la République : aboutissement ou point de départ ?
Les débats qui entourent l’adoption de la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (plus connue sous l’acronyme « NOTRe ») révèlent de grandes divergences, qui ne sont pas exclusivement le produit de désaccords politiques sur les objectifs à atteindre.
Si initialement le gouvernement avait conçu un projet révolutionnaire, avec en particulier la suppression des départements et la refonte de la carte des régions (qui a fait l’objet d’un texte séparé), à mesure de la discussion parlementaire, ces objectifs ont été sensiblement revus à la baisse. En particulier, la suppression des départements a été abandonnée au profit d’une énième « clarification des compétences » entre les divers échelons de collectivités territoriales.
Semblable recul se constate également en ce qui concerne l’organisation de la Métropole du Grand Paris : d’établissement public de coopération intercommunale de plein exercice qui était envisagé initialement, elle devient une fédération de « territoires » qui seront eux dotés des attributs des EPCI (personnalité juridique et fiscalité propre).
Et l’on peut encore se poser la question de savoir si le rôle prédominant envisagé pour les régions (avec le transfert de la compétence économique, des voiries et collèges) ne sera pas lui-même également réduit : le Sénat est d’ores et déjà revenu sur la majeure partie de ces dispositions et il n’est pas certain qu’il se trouve une majorité à l’Assemblée nationale pour toutes les rétablir.
Au total, les ambitions initiales du texte ont été sensiblement réduites et il s’inscrit en définitive dans la lignée des lois antérieures (acte II et acte III de la décentralisation) qui depuis une dizaine d’années tentent de procéder à une restructuration des collectivités locales, de leurs relations entre elles et avec l’État sans véritablement y parvenir.
Si l’on s’arrêtait à ce moment de l’analyse on ne pourrait que tirer un bilan assez négatif des travaux législatifs en cours.
Pourtant, à y regarder de plus près, le texte en discussion, même amputé de certaines de ses ambitions premières, constitue sans doute le point de départ d’évolutions importantes.
D’abord, la refonte de la carte des régions va créer des collectivités publiques beaucoup plus puissantes qu’aujourd’hui, dont les moyens budgétaires et techniques vont peser plus lourd, spécialement dans le contexte financier actuel, et leur donner un poids décisionnel important, poids décisionnel qui s’exercera aussi bien à l’égard des autres collectivités situées sur leur territoire que vis-à-vis de l’État. À moyen terme, on peut envisager que les régions deviennent les collectivités dominantes de l’espace territorial et soient le véritable lieu du pouvoir local (en mettant sans doute à part l’Île-de-France qui, à l’instar du Paris Napoléonien, sera sans doute toujours fortement soumise à l’État).
Ensuite, les nouvelles structurations, qu’il s’agisse de structurations institutionnelles (avec l’augmentation de taille des intercommunalités) ou matérielles (avec la redistribution des compétences entre collectivités) vont s’exercer dans un contexte financier extrêmement contraint qui va imposer de nombreux choix : il est évident, par exemple, qu’une mutualisation des moyens pour la gestion de la voirie sera indispensable pour parvenir à une rationalisation des effectifs et une réduction des coûts. Et cela sera vrai dans maints autres secteurs. Dans ce contexte, le texte de la NOTRe donne de véritables outils pour parvenir à ces mutualisations.
Enfin, et peut-être surtout, le projet de loi va donner des outils aux différents niveaux de collectivités pour procéder à des répartitions de compétences entre eux : transferts des compétences des départements aux métropoles ou aux régions redéfinition des compétences entre communes et intercommunalités. La mise en place progressive de ces outils conduira à rompre avec une vieille idée issue de l’héritage révolutionnaire, selon laquelle l’égalité entre les territoires de la République doit être assurée par une identité stricte de structure sur l’ensemble du sol national. Désormais, l’organisation territoriale sera d’abord fondée sur les nécessités propres du territoire concerné et pourra donc être différente d’un espace à l’autre. L’expérimentation de la métropole lyonnaise qui a repris une partie importante des compétences antérieurement dévolues au département du Rhône en constitue une préfiguration marquante.
Ainsi, ce texte conduira sans doute à de nouvelles dynamiques territoriales caractérisées par la prise en charge croissante, par les collectivités elles-mêmes, de leur structuration. Cette mise en place d’administrations territoriales différenciées ne constitue peut-être pas une révolution mais à tout le moins le point de départ d’évolutions majeures.
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