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Le billet
La pédagogie à l’Université
Les 21 et 22 avril 2015, un colloque portant sur le rôle de la pratique dans l’enseignement du droit s’est tenu à l’Université de Toulon. Il résulte notamment des débats que les préoccupations contemporaines quant à l’enseignement du droit sont loin d’être modernes.
Depuis le début du xxe siècle, on ne cesse de fustiger la trop grande spécialisation des études de droit et leur caractère trop peu professionnalisant.
C’est pour remédier à ces deux « failles », qu’un décret du 27 mars 1954 modifiant le régime des études et des examens en vue de la licence en droit avait été pris. Dans celui-ci, il était déjà question, d’une part, de « despécialiser » les premières années d’études de droit afin de donner aux étudiants une « culture générale de caractère social » et, d’autre part, de leur proposer une « formation mieux orientée vers leurs professions futures ».
Si ce décret, aujourd’hui abrogé, mérite encore d’être connu, c’est parce que, pour réaliser ce second objectif, il avait été décidé de créer le couple cours magistral/travaux dirigés. Aux professeurs était confiée la tâche de délivrer aux étudiants la théorie, c'est-à-dire l’exposé du système cohérent bâti par la doctrine ; sur les assistants pesait ainsi la charge de mettre en application le système par le biais des exercices classiques que sont la dissertation, le commentaire et le cas pratique.
Les études de droit, au moins dans leurs quatre premières années, reposent toujours sur ce couple.
Pourtant, le cours magistral, qui n’a jamais vraiment convaincu, est moribond. Il meurt de plusieurs causes. D’abord, penseront certains étudiants, de l’incapacité de l’enseignant à captiver l’audience. Ils n’auront pas tout à fait tort. Ensuite, penseront certains enseignants, du niveau des étudiants, dépourvus des prérequis nécessaires pour recevoir l’enseignement. Ils auront pour partie raison.
Surtout, de la dématérialisation qui rend inutile l’exposé d’un système que l’étudiant peut trouver en ligne, dans des manuels, des cours, des moocs... Autrement dit, l’exposé du système de l’enseignant est directement mis en concurrence avec des cours « tout prêt ». Il lui faudra donc du talent pour convaincre les étudiants de rester pour l’écouter.
Dans ce contexte, on pourrait feindre de se demander pourquoi le cours magistral est maintenu. L’interrogation est toutefois inutile, car nul n’ignore qu’il ne se maintient que par la grâce des contraintes budgétaires.
Il n’est pas concevable, dans les premières années, de multiplier les petits groupes, les Universités étant déjà dans l’obligation d’augmenter le quota d’étudiants par groupe de travaux dirigés afin de limiter leur impact financier.
Comment envisager, dans ces conditions, que le cours magistral soit banni au profit de petits groupes au sein desquels une pédagogie interactive pourrait être mise en place ?
Au demeurant, on goûtera le paradoxe auquel sont confrontées les Universités. Elles sont encouragées à fermer les filières qui n’accueillent que peu d’étudiants, alors que c’est précisément dans ces filières qu’une pédagogie innovante peut le plus facilement être mise en place.
Qui ne voit que l’Université n’est pas en mesure de mettre en œuvre, d’une part, le principe d’égalité qui veut que chaque étudiant, quel que soit son niveau, soit formé et, d’autre part, le principe d’efficacité qui postule une réduction des coûts ?
Les Universités se débattent, dans un contexte toujours plus concurrentiel, à la remorque des écoles de commerce ou d’ingénieur. Ces dernières organisent aujourd’hui des cours de grammaire et d’orthographe pour tenter de remédier aux difficultés croissantes des néobacheliers dans ces domaines…
Les facultés de droit y viendront sans doute. Mais ces cours ne s’ajouteront pas à ceux qui existent.
Ils se substitueront à certains, à moins que le système ne soit entièrement repensé. Ne rêvons pas…
Références
■ http://www.univ-tln.fr/Le-role-de-la-pratique-dans-l-enseignement-du-droit.html
■ Décret n° 54-343 du 27 mars 1954 modifiant le régime des études et des examens en vue de la licence en droit.
■ Arrêté du 9 avril 1997 relatif au diplôme d'études universitaires générales, à la licence et à la maîtrise.
■ Arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence.
■ Arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master.
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