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La réforme de la déontologie et de la discipline des notaires
Le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire entend, dans son titre V, « renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit ». Pour cela, il prévoit de réformer la déontologie et la discipline de ces professionnels et, en particulier, des notaires.
Au vrai, il n’est pas certain que les règles de déontologie de ces derniers soient modifiées en profondeur.
Le projet de loi, dans sa version modifiée par la commission des lois, se contente en effet d’exiger qu’un Code de déontologie soit préparé par le Conseil supérieur du notariat, avec l’aide d’un collège de déontologie (art. 19 bis), afin qu’il soit ensuite adopté par décret en Conseil d’État (art. 19).
Or, ces règles déontologiques existent déjà. Les notaires sont en effet dotés d’un Règlement national, approuvé par arrêté du Garde des Sceaux. Il y a donc fort à parier que le futur Code de déontologie reprendra, peu ou prou, le contenu de l’actuel Règlement national.
La modification est donc cosmétique, le terme déontologie faisant une apparition formelle dans les textes, ainsi que dans la définition de la faute disciplinaire :
« Toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire aux principes déontologiques commis par un professionnel, même se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de la sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles constitue un manquement disciplinaire ».
La référence aux « principes déontologiques » remplace ainsi celle relative à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse qui figure dans l’actuelle définition de l’article 2 de l’ordonnance du 28 juin 1945.
Les principaux changements concerneront donc les juridictions disciplinaires, d’une part, et l’échelle des peines disciplinaires, d’autre part.
S’agissant des juridictions disciplinaires, le système est actuellement complexe.
En première instance, les sanctions peuvent être prononcées soit par la chambre de discipline du Conseil régional des notaires compétent, composée uniquement de professionnels, soit par le tribunal judiciaire, la première ne pouvant prononcée que des sanctions symboliques, les sanctions les plus graves (suspension et destitution) étant réservées au second.
On notera que le système actuel permet même, en violation manifeste de la règle non bis in idem, qu’un notaire, condamné par la chambre de discipline, soit à nouveau condamné par le tribunal judiciaire, pour les mêmes faits, si d’aventure le Procureur de la République venait à considérer que la peine prononcée par la chambre de discipline était trop faible, compte tenu de la gravité des faits (Ord. nº 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires, art. 11).
La réforme entend mettre fin à ce système dualiste en mettant en place, en première instance, des juridictions disciplinaires fusionnées, composées de magistrats et de notaires, dans le ressort de chaque conseil régional.
Les recours contre les décisions rendues par ces juridictions échevinales ne seront plus portés devant la cour d’appel dans le ressort duquel se trouvait la juridiction de première instance, mais devant une Cour nationale de discipline, rattachée au Conseil supérieur du notariat, encore composée, à la fois, de notaires et de magistrats professionnels.
Enfin, la Cour de cassation conserverait sa compétence pour connaître des pourvois formés contre les décisions rendues par cette cour.
On ajoutera que, pour éviter que des manquements ne soient pas poursuivis, la réforme entend également que soit institué, auprès de chaque juridiction disciplinaire de première instance, « un service chargé de réaliser les enquêtes sur des agissements susceptibles de constituer un manquement disciplinaire » (art. 23).
L’échelle des peines disciplinaires est, ensuite, entièrement refondue. La critique contre les peines actuelles n’est, en effet, plus à faire.
Aux peines purement symboliques (rappel à l’ordre, censure simple, censure devant la chambre assemblée et défense de récidiver), succèdent immédiatement des peines lourdes : la suspension temporaire (sans que celle-ci soit limitée par un plafond) et la destitution.
La nouvelle échelle des peines (art. 25) sera ainsi composée de : 1° l’avertissement ; 2° du blâme ; 3° de l’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de dix ans ; 4° de la destitution, qui emporte l’interdiction d’exercice à titre définitif ; 5° et du retrait de l’honorariat.
Deux innovations doivent toutefois être mentionnées, qui améliorent la progressivité des sanctions.
D’une part, une amende pourra également être infligée au notaire défaillant, à titre principal ou complémentaire, ce qui n’est actuellement possible qu’en cas de manquement à certaines obligations prévues en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (CMF, art. L. 561-36-3).
D’autre part, est instaurée la possibilité d’assortir l’interdiction temporaire d’un sursis, chose qui n’est pas envisagée par les dispositions actuelles.
Enfin, « l’autorité de la profession », qui sera sans doute le syndic, pourra, à l’issue d’une procédure contradictoire, mais avant même la saisie de la juridiction, effectuer un rappel à l’ordre, voire adresser une injonction au notaire défaillant, éventuellement assortie d’une astreinte, le notaire sanctionné pouvant contester cette mesure devant le Président de la juridiction disciplinaire de premier ressort compétente (art. 21).
En définitive, l’échevinage est censé chasser le soupçon d’entre-soi qui pèse sur les chambres disciplinaires actuelles, tandis que la refonte de l’échelle des peines sert l’ambition d’une justice disciplinaire plus progressive, et donc plus effective.
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