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Le billet
La réforme du droit des contrats : épisode II
La réforme du droit des contrats, des quasi-contrats et du régime de l’obligation a été lancée, contre toute attente, le 27 novembre 2013, en Conseil des ministres. Le pilote de la série était alléchant, qui promettait peu d’épisodes, et un dénouement rapide.
Comme les lecteurs assidus de ces Billets le savent, le gouvernement avait en effet décidé d’aller vite, sous l’impulsion du chef de l’État, en choisissant la voie de l’ordonnance (v. le Billet de Mustapha Mekki). Mieux, la procédure d’urgence ayant été déclenchée, le texte du projet de loi d’habilitation n’était déstiné qu’à subir une seule lecture devant chaque Assemblée, avant de passer, éventuellement, par une commission mixte paritaire. La doctrine contractualiste était déjà avide de connaître le texte de la future ordonnance. D’aucuns spéculaient déjà sur la date à laquelle le projet d’ordonnance allait être rendu public et sur celle d’entrée en vigueur de la réforme…
Le deuxième épisode de la série, intitulé « la révélation », allait les contenter. Le 15 janvier 2014, une version de travail relative à la réforme du droit des contrats, datée du 23 octobre 2013, « fuitait » dans la presse et, plus précisément, sur le site Internet des Échos. La nouvelle se propagea comme une trainée de poudre, le lien se passant fébrilement de mail en mail…
Mais, chaque épisode se doit d’avoir son Cliffhanger… Le 15 janvier 2014, date de la fuite, était également le jour d’examen du projet de loi d’habilitation par la commission des lois du Sénat. Or, l’épisode II de notre série préférée s’acheva par la lecture du communiqué de presse publié par cette commission. La petite musique inquiétante, qui précéda de quelques instants le début de la lecture, contribua à accroître l’intensité dramatique de cette fin d’épisode :
« La commission des lois du Sénat a estimé que la réforme du droit des obligations et des contrats, réforme majeure du code civil, était trop importante pour être conduite par ordonnance : supprimant l’habilitation demandée par le Gouvernement, elle a appelé ce dernier à inscrire très rapidement à l’ordre du jour le projet de réforme correspondant, afin qu’il fasse l’objet du débat public qu’il mérite ».
Fondu à la fermeture… Noir… Générique de fin…
Diable ! Les scénaristes sont bons ! Vivement l’épisode III !
Comme vous l’aurez compris, la Commission des lois a refusé d’inclure dans le texte, l’autorisation relative au droit des contrats. Or, depuis la dernière réforme constitutionnelle, le texte étudié par les Assemblées est celui modifié par la Commission des lois, et non celui proposé par le gouvernement. L’habilitation devra ainsi être réintroduite par voie d’amendement… Sera-ce le cas devant le Sénat ? Quelle sera ensuite la position de l’Assemblée nationale ? Difficile de le prédire, tant les rebondissements peuvent être nombreux… Toujours est-il que la voie, toute tracée, de l’ordonnance s’écrit, à cet instant, en pointillés. Le prochain épisode sera diffusé les 21 et 23 janvier 2014, dates de la discussion publique devant le Sénat.
Dans le pire des scénarios, le gouvernement attendra le refus définitif du Parlement, éventuellement exprimé par la Commission mixte paritaire, avant de déposer un projet de loi. Quelques semaines ou quelques mois seraient ainsi perdus. On n’ose pas imaginer que le gouvernement renonce finalement à sa réforme, après avoir, à juste titre, souligné son importance dans le projet de loi d’habilitation et dans l’étude d’impact.
Mais, après tout, les scénaristes sont retors et il n’est pas rare que l’on soit déçu par la fin des séries.
Les fans de Lost, ou encore de Dexter comprendront…
Plus sérieusement, que penser de la position de la commission des lois du Sénat ? La réforme du droit des contrats doit-elle se faire par ordonnance, ou dans une loi… L’ordonnance a pour elle le mérite de la rapidité. Elle permet également au texte de conserver sa cohérence d’ensemble, si tant est que le texte en ait une. En effet, le risque de voir adoptés des amendements modifiant certains articles, sans que toutes les conséquences de ces modifications, sur d’autres articles par exemple, soient entrevues, est réel. En outre, s’agissant d’une matière particulièrement technique, il n’est pas impossible que certains parlementaires se contentent de proposer des amendements, qui leur auront été fournis, clés en mains, par des esprits évidemment bien intentionnés…
D’un autre côté, n’est-il pas légitime que le Parlement souhaite se saisir du contrat, alors que celui-ci est le tissu de base de toute activité économique ? L’étude d’impact qui, telle la girouette, s’est mis dans le sens du vent, en insistant sur l’apport d’un droit contractuel modernisé à la compétitivité des entreprises, va en ce sens. Par ailleurs, si la matière est technique, elle ne l’est pas plus, par exemple, que le droit des successions, réformé par la loi… En outre, si le Parlement décide du devenir des contrats de consommation, on voit mal pourquoi il n’aurait pas la légitimité de discuter du droit commun des contrats.
Certains pointeront peut-être la nécessité de réformer rapidement le droit des contrats. Certes, il est grand temps de faire cette réforme. Mais, puisqu’elle est attendue depuis le début du xxe siècle, l’argument de l’extrême urgence, est de faible poids. Quand aux craintes relatives à la qualité, le signataire de ces lignes avoue préférer le risque d’imperfections, imputables aux représentants du peuple, que le risque d’imperfections imputables à… on ne sait trop qui !
Références
■ Avant-projet de réforme : http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/document/0203242436733-document-avant-projet-de-reforme-du-droit-des-contrats-643031.php
■ Communiqué de presse du Sénat : http://www.senat.fr/presse/cp20140115c.html
■ Article 42, alinéa 1er de la Constitution
« La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie ».
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