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Le billet

[ 22 juin 2010 ] Imprimer

La responsabilité sur les fonts baptismaux des questions prioritaires de constitutionnalité

 

Les premières décisions du Conseil constitutionnel rendues sur questions prioritaires de constitutionnalité (les désormais fameuses QPC !) viennent d’être rendues. Deux concernent le droit de la responsabilité civile et de l’indemnisation, et c’est plus spécialement celle, rendue le 11 juin qui concerne la conformité à la Constitution de l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles (disposition plus connue sous le nom d’amendement « anti-Perruche ») qui retient l’attention. Non seulement du fait de la notoriété toute particulière de la disposition et de sa genèse (la trop célèbre affaire « Perruche » : vive l’anonymat des décisions de justice !), mais aussi en ce que la motivation de la décision du Conseil révèle tout à la fois l’intérêt du contrôle — désormais plus fréquent et en aval de la loi — de constitutionnalité dans une matière comme celle-ci, et ses limites.

Ce n’est pas le moindre des mérites du Conseil constitutionnel que de prendre la peine de rappeler quelques vérités : à commencer par celle — qui ne devrait être qu’une lapalissade — selon laquelle le législateur n’était pas illégitime à intervenir en la matière pour contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation. Que de cris d’orfraie n’avait-on entendu pourtant à l’époque de la part de défenseurs zélés de la jurisprudence Perruche, assez modérément républicains pour soutenir qu’une jurisprudence ne pouvait avoir à céder devant la volonté de la représentation nationale…

On apprend aussi de cette décision (il s’agit là plutôt d’une confirmation) que dans l’esprit des sages de la rue de Montpensier, le principe de réparation intégrale n’a de valeur que législative et qu’il peut donc y être porté atteinte dès lors que c’est sur la base de motifs d’intérêt général, ce qui revient à légitimer, comme on pouvait s’y attendre, sous la même réserve, les régimes spéciaux d’indemnisation offrant une réparation forfaitaire (tel que le régime d’indemnisation des victimes d’accidents du travail dont il est question dans une autre décision rendue également sur question prioritaire de constitutionnalité le 10 mai dernier).

On mesure aussi avec notre décision relative à l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles les limites de l’exercice, au moins dans la matière considérée : qu’est-ce qu’un motif d’intérêt général ? Qu’est-ce qu’une atteinte proportionnée ? Que recouvre exactement cet énigmatique « principe de responsabilité » évoqué par le Conseil ? On aimerait certes pouvoir compter sur des notions moins évanescentes et sur une motivation plus tranchante. Mais que ceux qui avaient approuvé bruyamment l’arrêt de la Cour de cassation à l’origine de toute cette affaire, avec sa motivation famélique et en trompe l’œil veuillent bien s’abstenir de tout reproche de ce genre à l’égard du Conseil constitutionnel !

 

Auteur :Ph. B.


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