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[ 9 novembre 2015 ] Imprimer

La sélection par le Bac, vraiment ?

L’article 6 du décret n° 2015-1351 du 26 octobre 2015, qui modifie certaines dispositions du Code de l’éducation relatives au Baccalauréat, pourrait prêter à sourire si les conditions de travail à l’Université n’étaient pas si dégradées.

Jusqu’ici, « les candidats non scolarisés, salariés, (…) les demandeurs d'emploi », les « sportifs de haut niveau » ou encore les « candidats scolarisés à l'école de danse de l'Opéra national de Paris » disposaient d’un régime de faveur (C. éduc., art. D. 334-13).

Compte tenu de leur situation personnelle, il leur était possible, en cas d’échec au Bac, de bloquer les notes des matières dans lesquelles ils avaient obtenu la moyenne, et d’en conserver le bénéfice pendant cinq ans. 

Le salarié, le danseur, ou le sportif de haut niveau pouvait donc mettre en place une stratégie consistant à ne travailler que certaines matières, afin de concilier ses impératifs professionnels et scolaires, dans l’espoir d’obtenir la moyenne dans celles-ci, et de se concentrer l’année d’après sur d’autres épreuves. Le Bac pouvait alors être obtenu en plusieurs années. Le système n’avait rien de choquant puisqu’il prenait en compte la situation particulière de certains candidats, qui n’avaient pas la possibilité de consacrer tout leur temps à leurs études.

L’article 6 du décret précité vient toutefois de modifier cette règle en permettant à tous les candidats, quels qu’ils soient, de bénéficier du maintien des notes supérieures à la moyenne pendant cinq ans ! 

Quelle bonne nouvelle pour le taux de réussite au Baccalauréat ! Le ministre en place en 2017, lorsque les effets de la réforme se feront sentir, pourra alors se gargariser de la progression de la réussite des étudiants…

Pourtant, on ne peut que ressentir de la lassitude face à ces tripatouillages incessants des modalités d’examen. Pour augmenter la réussite des étudiants, la logique voudrait que des pédagogies innovantes soient mises en place, voire que des moyens nouveaux soient alloués pour que les effectifs en classe diminuent… Mais comme les caisses sont vides, il est plus simple de jouer sur les modalités d’examen ou sur l’abaissement des exigences lors de l’évaluation. Le signataire de ces lignes, qui préside des jurys de Baccalauréats depuis plusieurs années, peut témoigner de la pression qui pèse sur les correcteurs du Bac.

Si la question de la sélection à l’Université se pose aujourd’hui avec plus d’acuité, c’est précisément parce que le Baccalauréat ne remplit plus son office, c’est-à-dire vérifier que les bacheliers ont les prérequis nécessaires pour profiter des enseignements du supérieur.

Le système est donc particulièrement malsain ; chacun est le bienvenu à l’Université, quel que soit son baccalauréat et sa mention, mais la sélection, que ne fait plus le baccalauréat, et qui est interdite à l’Université, a lieu dans les faits. 

Or, ce sont les plus fragiles qui la subissent, et ce d’autant que la massification de l’accès à l’Université, a fait chuter le taux d’encadrement des étudiants… 

La lassitude se mue en dégout lorsque l’on constate que l’Université doit assurer la noble mission de la démocratisation des études supérieures, sans moyen (l’Université de Toulon vient par exemple de suspendre sa campagne de recrutement d’enseignant faute d’argent), et dans un contexte franco-français qui glorifie les formations sélectives : CPGE, écoles de commerce, écoles d’ingénieurs, etc…

Comme un symbole, si le directeur du bureau du droit des obligations, ou la directrice des affaires civiles et du sceau ont arpenté les Universités pour présenter la réforme du droit des contrats, c’est à Science-po Paris que la Ministre de la justice est allée débattre de sa réforme… 

Cela en dit long sur le prestige de l’Université, au moins dans l’esprit de ceux qui nous gouvernent…

 

Références

■ Code de l’éducation 

Article D. 334-13, en vigueur avant la session 2016.

« Les candidats non scolarisés, salariés, stagiaires de la formation professionnelle continue, demandeurs d'emploi, ainsi que les candidats scolarisés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau arrêtée par le ministre chargé des sports et les candidats scolarisés à l'école de danse de l'Opéra national de Paris peuvent conserver, après un échec à l'examen sur leur demande et pour chacune des épreuves du premier groupe, dans la limite des cinq sessions suivant la première session à laquelle ils se sont présentés, en tant que candidats scolarisés ou relevant des catégories énumérées au présent alinéa, le bénéfice des notes égales ou supérieures à 10 qu'ils ont obtenues à ces épreuves. Ils ne subissent alors que les autres épreuves.

Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent qu'aux candidats qui se présentent dans la même série que celle où ils ont obtenu des notes dont ils demandent à conserver le bénéfice, à l'exception de règles particulières définies par arrêté ministériel.

Le renoncement à un bénéfice de notes lors d'une session est définitif et seules les notes obtenues ultérieurement sont prises en compte pour l'attribution du diplôme.

Pour les candidats mentionnés au premier alinéa, à chaque session, le calcul de la moyenne pour l'admission s'effectue sur la base des notes conservées et des notes obtenues aux épreuves nouvellement subies.

Aucune mention ne peut être attribuée aux candidats qui ont demandé à conserver le bénéfice de notes en application des dispositions du premier alinéa du présent article. »

Nouvel art. D. 334-13 issu du Décret n° 2015-1351 du 26 oct. 2015, art. 6, en vigueur à la session 2016.

« Les candidats au baccalauréat général peuvent conserver, après un échec à l'examen, sur leur demande et pour chacune des épreuves du premier groupe, dans la limite des cinq sessions suivant la première session à laquelle ils se sont présentés, le bénéfice des notes égales ou supérieures à 10 qu'ils ont obtenues à ces épreuves. Ils ne subissent alors que les autres épreuves.

Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent qu'aux candidats qui se présentent dans la même série que celle où ils ont obtenu des notes dont ils demandent à conserver le bénéfice, à l'exception de règles particulières définies par arrêté ministériel.

Le renoncement à un bénéfice de notes lors d'une session est définitif et seules les notes obtenues ultérieurement sont prises en compte pour l'attribution du diplôme.

Pour ces candidats, à chaque session, le calcul de la moyenne pour l'admission s'effectue sur la base des notes conservées et des notes obtenues aux épreuves nouvellement subies. »

 

 

Auteur :Mathias Latina


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