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La transition énergétique n’est pas un long fleuve tranquille
Le passage à l’année 2023 s’est accompagné pour chacun de bonnes résolutions et celles en faveur de la transition énergétique et de la sobriété énergétique n’ont sans doute pas manquées. Il est vrai que ces problématiques font partie de notre quotidien. Les températures clémentes de la fin de l’année 2022 n’ont fait que renforcer les inquiétudes, tout en nous rassurant sur les risques de délestage, voire de black-out électrique.
Ces préoccupations ne se limitent pas à cet hiver, mais s’imposent pour les hivers à venir, en lien avec la capacité à constituer des stocks de gaz suffisants et à développer des solutions énergétiques alternatives. Or, la transition énergétique nécessite du temps et une maturité technologique des solutions alternatives, ce qui devrait conduire, dans un esprit de responsabilité, à un consensus entre les États membres. Ces derniers démontrent tout le contraire, se déchirant autour du recours à l'énergie nucléaire pour la production de l’hydrogène.
Depuis plusieurs mois, le nucléaire dans le mix énergétique empoisonne notamment les relations entre la France et l’Allemagne. La question du nucléaire semblait avoir été traitée au cours de l’été 2022. En effet, ni le Parlement européen ni le Conseil de l’Union ne se sont opposés à la proposition de la Commission européenne d’intégrer l’énergie nucléaire parmi les énergies susceptibles d’être financées pour lutter contre le changement climatique. L’énergie nucléaire est classée dans les énergies à bas carbone. Ce soutien est limité dans le temps puisque les permis de construire doivent être accordés au plus tard en 2045.
Cependant le sujet a rapidement rebondi en lien avec la production d’hydrogène. Le souhait de l’Union européenne est de parvenir à une production conséquente d’hydrogène en s’appuyant sur les énergies renouvelables (l'éolien et le solaire) de manière à écarter le recours aux énergies fossiles. Cette production est qualifiée d’hydrogène vert. Pour accélérer la transition, la France est favorable également à une production de l’hydrogène à partir de l’énergie nucléaire (hydrogène jaune), mobilisable immédiatement, susceptible d’accélérer la transition énergétique et de limiter la dépendance aux énergies fossiles venant de pays tiers. Pour la France, cette énergie est aussi un moyen d’atteindre les objectifs nationaux de réduction de gaz à effet de serre. La position française est très clairement orientée, mais elle n’est pas isolée sur cette approche.
De son côté, l’Allemagne n’y est pas favorable et même s’oppose à cette technique considérant que l’hydrogène renouvelable doit être dissocié clairement des autres modes de production. Cette position se justifie sans difficulté d’autant plus que cet État a fait le choix de sortir de la production nucléaire. On comprendrait que l’effort soit porté uniquement sur le développement des énergies renouvelables, sachant que l’Allemagne n’est pas le seul État à défendre cette position.
La difficulté est la capacité à répondre aux besoins énergétiques dans le même temps. Les États et les institutions européennes savent que les demandes d’énergie restent fortes et ont même progressé ces dernières années, notamment du côté de l’industrie allemande. La position germanique manque alors de cohérence dès lors qu’elle a choisi, pour préserver son tissu économique, de recourir aux énergies fossiles. Elle entend ainsi maintenir et développer la production de charbon sur son sol, pourtant très polluant. Elle n’est pas non plus opposée à la production d’hydrogène à partir de gaz naturel liquéfié (hydrogène jaune). Elle vient d’ailleurs d’inaugurer un nouveau terminal méthanier en décembre dernier. Cette technique de production a été très largement intégrée, ces derniers mois, dans les propositions du gouvernement allemand, malgré ces conséquences sur l’environnement.
La réalité est que la transition énergétique ne comprend pas seulement la dimension environnementale qu’on lui prête, mais également une dimension stratégique industrielle et économique plus féroce. Si l’enjeu européen de devenir un acteur majeur de l’hydrogène vert demeure, la France et l’Allemagne sont dans une approche plus pragmatique. Chacun de ces deux État défend son industrie et sa capacité à être, au sein de l’Union, un acteur de référence en soutenant la technique qui lui est la plus favorable. La conséquence est que les textes attendus pour sécuriser juridiquement les investissements autour de l’hydrogène sont retardés, ce qui impactera nécessairement la transition énergétique. En outre, il est certain qu’une phase intermédiaire est nécessaire avant un recours suffisant à l’hydrogène vert. Or les vraies questions sur cette phase ne sont finalement pas abordées : durée, volume, obligations parallèles des États sur l’implantation de production d’hydrogène vert…
La transition énergétique n’est décidément pas un long fleuve tranquille et est traversée de courants contraires.
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