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L’avenir incertain du RSA : « En temps de crise, si les gros maigrissent, les maigres meurent »
Ce billet se veut plus technique et moins juridique que les précédents, mais doit aider à comprendre les dangers qui guettent l’avenir du revenu de solidarité active.
En 2014, la charge financière pour les départements du revenu de solidarité active (RSA) a augmenté de 9 %. Depuis presque deux ans, l’ensemble des départements a attiré l’attention de l’État sur cette situation qui, à terme, pourrait aboutir au non-paiement des revenus de solidarité active. Cette crise est le symbole d’un État qui ne cesse de se désengager de ses missions d’intérêt général, notamment la solidarité à l’égard des plus pauvres. Ce RSA est mal connu du grand public et parfois injustement critiqué. Revenons alors sur la naissance de cette prestation et sur sa mort annoncée.
Le revenu de solidarité active est une prestation sociale gérée par les conseils départementaux. Prenant la succession du Revenu minimum d’insertion (RMI), il a été mis en place par la loi no 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion. Le montant forfaitaire au 1er septembre 2015 est de 524,16 euros. Il marque le passage d’une politique d'insertion vers une politique de l'emploi. Son objet est de garantir un revenu minimum en contrepartie d’une obligation de chercher un emploi ou de définir et suivre un projet professionnel visant à améliorer sa situation financière. Cette prestation a été créée par l’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA), à l’époque dirigée par Martin Hirsch. Limitée au départ aux seuls bénéficiaires du RMI, cette prestation est également devenue un complément de revenu pour les travailleurs pauvres qui, revenant à la vie active avec un revenu peu élevé, perdaient l’ensemble des aides sociales et se retrouvait dans la même situation financière qu’avant de retrouver un emploi. Le RSA devient ici une mesure compensatrice et incitative. Les droits des prestataires ne sont plus liés au statut de bénéficiaire d’un minima social mais à leur situation.
Depuis quelques années, l’avenir du RSA est menacé par un effet ciseaux : une stagnation voire une diminution de l’aide de l’État et une augmentation des bénéficiaires du nombre de bénéficiaires.
Le RSA relève en partie des départements et de l’État. Les départements payent la totalité des prestations qui devraient ensuite être en partie remboursées par l’État. Mais ce dernier est un mauvais payeur et oblige, depuis de nombreuses années, les départements à financer ses aides sur leurs propres fonds. Depuis quelque temps, les dépenses sociales des départements ne cessent de croître.
Dès 2008, le montant des aides sociales financées par les départements (aides à l’enfance, soutien aux personnes handicapées, RSA) ne cesse d’augmenter. Les départements participent au financement de l’aide personnalisée d’autonomie (APA, pour les personnes âgées dépendantes), du RSA (revenu de solidarité active) et de la PCH (prestation de compensation du handicap). Dès 2014, la Cour des comptes avait attiré l’attention sur la croissance sans maîtrise des dépenses sociales en particulier du RSA, rapport qui n’a suscité aucune réaction et aucune mesure de la part de l’État (Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, oct. 2015).
S’agissant spécialement du RSA, sans vouloir réduire une politique à un ensemble de chiffres, l’augmentation des coûts est de 31% pour le département de Seine-Saint-Denis, avec 100 000 allocataires en 2015. Le champion toute catégorie confondue est la Haute Garonne avec 44% d’augmentation. La hausse générale de ces dépenses en 2016 devrait être de plus de 7% par rapport à l’année dernière. Cette hausse est due spécialement à l’augmentation du nombre de chômeurs et au vieillissement de la population. Il faut ajouter à cela l’engagement du Gouvernement Ayrault en 2012, dans le cadre du plan pauvreté, d’augmenter de 10% le montant du RSA.
Face au silence de l’État, pourtant alerté par les départements, la Seine-Saint-Denis a été la première à réagir en menaçant de ne pas honorer le paiement des RSA. Par une délibération du conseil départemental du 14 janvier 2016, il a été décidé de ne pas inscrire dans son budget 2016 l’augmentation des crédits affectés au RSA. Quant à l’Essonne, ce département a décidé d'étaler sur six ans une facture de 106 millions d’euros représentant trois ans d’aide au maintien à domicile des personnes âgées. Ces décisions ne sont pas isolées car elles sont le fruit d’une recommandation votée par l’assemblée des départements de France en octobre 2015. Demain ce sont plus de trente-trois départements qui devraient se retrouver dans la même situation.
Face à cette crise, l’État promet une renégociation de la prise en charge de ces dépenses sociales. Mais rien n’est gratuit ! L’État reprendrait le budget RSA correspondant aux versements des départements aux caisses d’allocations familiales en contrepartie de quoi il récupérerait certaines recettes fiscales départementales. On peut douter que donner d’une main et reprendre de l’autre soit une bonne politique !
Alors l’État sera-t-il gérer les effets de la crise sur les plus démunis ? L’enveloppe de 2 milliards d’euros annoncée par le Gouvernement pour relancer l’emploi est-elle un remède sérieusement réfléchi pour le long terme ou la première mesure de la future campagne électorale ? En tout état de cause, la lutte contre la pauvreté et la protection des plus démunis doivent rester les priorités du moment car n’oublions pas qu’« en temps de crise, si les gros maigrissent, les maigres meurent ».
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