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Le billet
Le Code de laïcité nouveau est arrivé !
Le ministre de l’Intérieur et des Cultes, M. Claude Guéant, a présenté le tant attendu Recueil de tous les textes juridiques s’appliquant aux religions. Ce Code, intitulé Laïcité et liberté religieuse. Recueil de textes et de jurisprudence, est censé constituer une véritable « Bible » de la laïcité.
Revenons sur la genèse de ce recueil avant de se livrer à une modeste exégèse de son contenu.
Dès le discours du président de la République, Jacques Chirac, du 17 décembre 2003, il était envisagé, à la suite des travaux de la Commission Stasi, la création d’un « code de la laïcité réunissant les principes et les règles relatifs à la laïcité ». Tout s’est accéléré au printemps 2011, en pleine polémique religieuse. L’idée s’est imposée dans les esprits d’élaborer un ouvrage qui rappellerait les textes et la jurisprudence relatifs aux questions religieuses. Cette « codification » était censée remplir plusieurs fonctions. La première est d’ordre symbolique : marteler les esprits avec le principe de laïcité, fleuron des valeurs républicaines. La deuxième fonction est d’ordre pédagogique : offrir à ceux qui sont en permanence confrontés aux questions religieuses, instances administratives, élus, responsables religieux, un moyen d’accéder aisément à l’information. Ce « code de la laïcité » devait constituer une boîte à outils, un cadre de référence. La troisième et dernière fonction de ce « code » est d’ordre politique : mettre fin aux débats polémiques de ces derniers mois sur le respect des religions (débat sur l’identité nationale, sur le port du voile, sur la construction de mosquées, sur la place des religions à l’école, sur la neutralité des fonctionnaires…). Le cahier des charges est-il rempli ?
En se livrant à la lecture de la préface de l’ouvrage, rédigée par Claude Guéant, ces trois fonctions sont mises en exergue. Le ministre affirme qu’« il est nécessaire de bien connaître les textes qui fondent le régime juridique de la liberté religieuse en France ». La connaissance et la compréhension de la laïcité sont « indissociables » de celles des libertés religieuses. Par ce Code, le ministre souhaite imposer un culte de la laïcité. Claude Guéant veut instaurer « une véritable culture de la laïcité ». Ce recueil constitue un code-relais, un code pédagogique dont l’ambition première est de rapprocher le droit positif de ses destinataires. Voilà pour la pédagogie ! L’équilibre entre laïcité et religion est « complexe » et en perpétuel mouvement. Pour rétablir et maintenir cet équilibre, inutile de voter de nouvelles lois, rappelle de manière sensée le ministre des Cultes. Il faut rappeler et faire accepter les textes existants. Voilà pour la symbolique ! Au ministre d’ajouter, enfin : « la signification politique de cet ouvrage est de clore ce débat, en apportant tous les éléments qui permettent de bien prendre conscience de ce qu’est la laïcité en France ». Voilà pour le politique !
Notons que la laïcité n’est pas seulement une valeur, elle a aussi un prix. Pour la modique somme de 19 euros, chacun d’entre nous pourra désormais avoir accès, sinon à la Vérité, du moins à une vérité : la place du droit dans les questions religieuses. Si l’objectif est pédagogique, pourquoi ne pas avoir prévu un accès gratuit en ligne ?
Dans la forme, cet ouvrage se compose de près de 502 pages, au sein duquel on peut y retrouver la Constitution, les conventions internationales, les lois, les règlements, les circulaires et les extraits de la jurisprudence… Le Code est structuré, sans justification, en quatre chapitres : « Principes de laïcité et liberté de conscience » ; « Laïcité dans les services publics » ; « Organisation des cultes » ; « Exercices de la liberté religieuse ». Un index alphabétique permet d’accéder plus rapidement à l’information mais l’ensemble reste difficile d’accès. L’indigestion sociale n’est pas loin ! Celui qui n’a pas pris le temps de lire les 401 articles de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État trouvera-t-il le temps de lire un recueil de plus de 502 pages ? Cette « codification » est à droit constant car il est prévu une remise à jour régulière de son contenu. Il est même déjà envisagé d’opérer des rectifications. Vive le droit inconstant du Code de laïcité pour instaurer plus de stabilité en matière de questions religieuses !
La démarche est quelque peu déroutante à plusieurs égards. Tout d’abord, la quantité et la technicité des informations figurant dans ce recueil en fait surtout un outil à la disposition des juristes spécialisés. Il ne s’agit pas d’une vulgarisation du droit adressée aux acteurs confrontés sur le terrain à ce type de difficultés ni même d’un manuel de la laïcité, mais d’une simple compilation, d’ailleurs incomplète. Ensuite, la loi de 1905 traite opportunément de la liberté de conscience, ce qui intègre les agnostiques, les déistes, les athées. En parlant de « liberté religieuse », le ministre a-t-il oublié les non-croyants ? Enfin, ce recueil a ce défaut du panjuriste qui a tendance à penser que tout est affaire de droit. La religion est une suite de faits, de pratiques et d’institutions et pour beaucoup de ces questions le droit n’a pas sa place. La religion en France est surtout affaire de moyens et affaire de dialogue. On ne peut alors adhérer à l’idée que le ministre se fait de son Code : « la signification politique (du code) est de clore ce débat ». Au contraire, ce recueil devrait être le point de départ d’une discussion et non sa conclusion. Sans dialogue, la conciliation entre laïcité et liberté religieuse restera un vœu pieux.
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