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[ 14 février 2023 ] Imprimer

Le Conseil constitutionnel, juge des élections législatives

Le 3 février, le Conseil constitutionnel a achevé l’examen des cinquante-cinq recours dirigés contre les élections législatives de juin 2022 (la dernière : n° 2022-5791 ; la première : n° 2022-5736/5749). Il remplit ainsi son rôle de juge des élections nationales qui représente – souvent contre toute attente – une de ses missions principales.

Le Conseil constitutionnel est principalement connu comme le juge de la constitutionnalité de la loi, tout particulièrement depuis la création et l’avènement de la « Question Prioritaire de Constitutionnalité » (QPC) à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Pourtant, une des missions à laquelle il consacre un nombre plus important de décisions est celle de juge électoral. Là encore, les citoyens le connaissent essentiellement pour son rôle de « juge » de l’élection présidentielle puisque conformément à l’article 58 de la Constitution, il veille à sa régularité, « examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ». Il est pourtant également le juge du contentieux de l’élection des députés et des sénateurs (Const., art. 59). Moins médiatisé, ce contentieux a fait rendre au Conseil constitutionnel 11 526 décisions (au 10 févr. 2023, on comptabilise sur le site du Cons. const. 5 791 décisions relatives à l’élection des députés et 5 735 décisions relatives à l’élection des sénateurs. Le juge constitutionnel se prononce également sur les incompatibilités et la déchéance des parlementaires. A titre de comparaison, le Conseil a rendu 846 décisions DC (contrôle de la loi ordinaire a priori) et 1 033 décisions QPC) qui ne sont pas sans impact sur la composition des deux assemblées et sur le travail des parlementaires.

■ Les règles applicables

En dehors de la Constitution et des dispositions du Code électoral, ces recours sont soumis au chapitre IV de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et à un règlement relatif à la procédure applicable devant le Conseil pour ce même contentieux.

■ Un recours direct devant le Conseil constitutionnel simplifié pour les électeurs

Contrairement au contentieux de la loi, le Conseil constitutionnel peut être saisi directement en matière de contestations des élections législatives ou sénatoriales. La seule exigence est que la personne soit bien inscrite sur les listes électorales de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l’élection faisant l’objet du recours, ainsi qu’aux personnes qui ont fait acte de candidature dans cette même circonscription.

La requête doit être enregistrée au secrétariat du greffe de Conseil constitutionnel ou à la préfecture du département ou aux services du représentant de l’État dans la collectivité territoriale où se sont déroulées les élections. L’enregistrement doit être fait dans les 10 jours à compter du jour qui suit la proclamation officielle du résultat de l’élection. La requête doit être rédigée par écrit, elle est dispensée de frais de timbre ou d’enregistrement.

Le requérant ou la personne dont l’élection est contestée peuvent se faire assister ou représenter par un avocat ou toute autre personne de leur choix, qu’ils doivent désigner par écrit.

■ Une procédure de jugement spécifique 

Pour examiner ces requêtes, les membres du Conseil sont répartis de manière égalitaire dans trois sections par tirage au sort. Pour cette répartition, il est fait attention aux autorités de nomination de tous les membres de sorte que chaque section soit composée par des membres désignés par les trois autorités de nomination que sont le Président de la République et les présidents des deux assemblées parlementaires.

Dès réception d’une requête, le président du Conseil en confie l’examen à une section. Si le Conseil estime que la requête est irrecevable ou ne contient que des griefs qui ne peuvent manifestement pas exercer une influence sur les résultats de l’élection, il peut la rejeter, sans instruction préalable mais par décision motivée.

Une section est assistée par un rapporteur adjoint désigné pour présenter l’affaire et proposer une solution. Il est choisi parmi les dix rapporteurs adjoints placés auprès du Conseil constitutionnel (5 sont membres du Conseil d’État, 5 sont membres de la Cour des comptes).

L’instruction respecte le caractère écrit et contradictoire. Les pouvoirs des sections du Conseil sont étendus. Elles peuvent demander la communication de toute pièce qui leur serait utile, Elles peuvent ordonner une enquête. Le rapporteur peut recevoir les déclarations de témoins sous serment. Une fois l’instruction terminée, la section porte l’affaire devant le Conseil en séance plénière pour qu’elle soit jugée au fond. Le rapporteur adjoint est entendu mais il ne prend pas part au vote.

■ Une requête sans effet suspensif

La requête n’a aucun effet suspensif, cela signifie donc que le parlementaire dont l’élection fait l’objet d’un recours continue d’exercer son mandat jusqu’à la décision du Conseil. Ce dernier peut rejeter la contestation et valider l’élection ; annuler l’élection ; réformer les résultats en proclamant un autre candidat. Ses décisions dans ce contentieux ont une autorité de chose jugée et sont insusceptibles de recours conformément à l’article 62 de la Constitution.

Pour le scrutin des législatives de 2022, le Conseil constitutionnel a annulé sept élections. Trois législatives partielles ont été organisées le 29 janvier dernier et ont permis à Bertrand Petit d’être réélu (Parti socialiste) et à deux nouveaux députés d’intégrer l’Assemblée nationale (René Pilato pour LFI, Laure Miller pour Renaissance ; ils succèdent respectivement à Thomas Mesnier (Horizons) et Anne-Sophie Frigout (RN)). Quatre sièges restent encore à pourvoir dans l’attente de législatives partielles.

 

Auteur :Karine Roudier


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