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[ 20 novembre 2017 ] Imprimer

Le consentement du mineur à un acte sexuel

Deux affaires récentes ont relancé la question du consentement des mineurs à un acte sexuel. Madame la secrétaire d’État chargée de l’égalité des femmes et des hommes, Marlène Schiappa et Madame la garde des sceaux, Nicole Belloubet, envisagent, en réaction à ces affaires, de proposer de modifier la loi pénale afin d’établir une présomption d’absence de consentement à un acte sexuel pour les mineurs de moins de 13 ou 15 ans, le seuil étant actuellement débattu.

Mais quel est l’état actuel de la législation ?

Aux termes de l’article 222-22 du Code pénal, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

Au sein des agressions sexuelles, le Code pénal isole ainsi le viol, défini par l’article 222-23 du Code pénal comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », des « agressions sexuelles autres que le viol » réprimées par l’article 222-22. 

Où l’on voit que le viol est, au sens strict, une catégorie d’agression sexuelle. Toujours est-il que, dans le langage courant, il est habituel de distinguer le viol, d’une part, caractérisé par un acte de pénétration sexuelle, des agressions sexuelles, d’autre part, constituées par toute atteinte sexuelle, autre qu’une pénétration.

La pierre angulaire de ces infractions est donc l’absence de consentement de la victime. Plus précisément, aux termes de la loi, il faudra démontrer que l’atteinte sexuelle a été imposée par « violence, contrainte, menace ou surprise ».

Dans le contexte actuel de libération salutaire de la parole des femmes, il n’est pas inutile de préciser que « consentir » signifie accepter librement et en connaissance de cause l’acte sexuel. 

Le fait que la victime n’ait pas expressément dit « non » n’exclut pas nécessairement l’absence de consentement. 

Le fait qu’il n’y ait pas eu de violence physique n’exclut pas non plus absolument la qualification de viol. 

Le fait que la victime ait participé activement à l’acte sexuel peut même ne pas exclure l’existence de l’infraction. En effet, le consentement contraint équivaut à une absence totale de consentement. C’est ainsi que la victime qui, menacée avec une arme par son ex-petit ami, parvient à le raisonner et « consent » à l’acte sexuel qu’il réclame est bel et bien victime d’un viol. Elle n’a « consenti » que sous la contrainte, de peur que son violeur ne se saisisse à nouveau de l’arme. Peu importe que l’arme ne soit plus dans la main du violeur ; la contrainte est là, à l’état latent. Le consentement n’est donc pas libre.

Le consentement surpris équivaut encore à une absence totale de consentement. Il faut consentir en connaissance de cause. Il y a donc viol lorsque la victime, en raison de son état d’ébriété par exemple, accepte l’acte sexuel, mais se trompe sur l’identité de son partenaire, ce que le violeur ne peut pas ignorer. Et peu importe que la victime soit à l’origine de son état d’ébriété.

Consentir à un acte sexuel, c’est vouloir librement, sans contrainte, sans peur, sans erreur.

C’est là que se pose la question du consentement du mineur à un acte sexuel. 

Le viol et les autres agressions sexuelles ne sont caractérisés, à l’heure actuelle, que s’il est démontré que la victime n’a pas consenti à l’acte. La minorité de la victime n’est pas un élément constitutif de l’infraction d’agression sexuelle, mais une circonstance aggravante. Celui qui commet un viol sur un mineur de 15 ans, c’est-à-dire une personne qui n’avait pas encore 15 ans au jour de l’acte encourt, non plus 15 ans de réclusion criminelle, mais 20 ans. 

Même lorsque la victime est un mineur de moins de 15 ans, il faut donc démontrer que l’acte a été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise pour condamner l’auteur.

Il n’en reste pas moins qu’il est d’ores et déjà interdit, pour un majeur, d’avoir un rapport sexuel, avec ou sans pénétration, avec un mineur de 15 ans. 

L’article 227-25 énonce en effet que « le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ».

C’est en raison de cet article que l’on dit, fréquemment, que la majorité sexuelle est fixée à 15 ans. Un majeur ne peut pas avoir de relation sexuelle avec un mineur de 15 ans. En revanche, il peut avoir des relations sexuelles avec un mineur de plus de 15 ans, à condition évidemment que ce dernier y ait consenti librement. 

On notera, toutefois, que l’article 227-27 interdit encore les relations sexuelles entre un majeur et un mineur de plus de 15 ans lorsque l’atteinte sexuelle est commise « par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » ou lorsqu'elle est commise « par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ».

Il existe donc déjà une pénalisation des rapports sexuels entre majeur et mineur de moins 15 ans, voire de plus de 15 ans dans certains cas, indépendamment du consentement de la victime. 

La question est aujourd’hui de savoir si rechercher l’existence d’un consentement à l’acte sexuel chez un mineur à un sens, en dessous d’un certain âge. L’idée est de dire que, faute de maturité suffisante de la victime, son consentement ne serait, de toute façon, ni libre, ni éclairé. 

La Cour de cassation a déjà pu accepter que l’âge de la victime soit utilisé comme élément pour démontrer la contrainte ou la surprise nécessaire à la qualification de viol (Crim. 7 déc. 2005, n° 05-81.316 : « l'état de contrainte ou de surprise résulte du très jeune âge des enfants [moins de 5 ans] qui les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés).

En outre, le Code pénal, depuis la loi n° 2010-121 du 8 février 2010, précise, dans son article 222-22-1, que « la contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits ». Las, il faut qu’à cette différence d’âge s’ajoute « l'autorité de droit ou de fait que [l’auteur] exerce sur cette victime ».

Dans les affaires récentes ayant relancé le débat actuel, la jurisprudence de la Cour de cassation et l’article 222-22-1 du Code pénal n’ont pas empêché un parquet de préférer poursuivre un adulte ayant eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans pour atteinte sexuelle (C. pén., art. 227-25), et non pour viol (C. pén., art. 222-23 ) et une Cour d’assise d’acquitter des faits de viol un adulte ayant, une fois encore, eu un rapport sexuel avec une enfant de 11 ans. 

D’où la volonté affirmée du Gouvernement d’inscrire, dans la loi pénale, une présomption d’absence de consentement, en dessous d’un certain âge (13 ou 15 ans), afin de permettre la qualification de viol indépendamment de la démonstration d’une violence, menace, contrainte ou surprise et, en conséquence, de réprimer plus durement les majeurs ayant des relations sexuelles avec un mineur de moins de 13 ou de 15 ans.

La fixation d’un tel seuil, qui existe dans de nombreuses autres législations, est sans doute opportune, mais elle n’empêchera pas les débats devant la Cour d’assise, surtout si une présomption simple est mise en place en lieu et place d’une présomption irréfragable (V. la réponse de la garde des sceaux à la question posée par Madame la députée C. Autain). En cas de présomption simple, l’auteur aura en effet la possibilité de démontrer que la victime était consentante…

 

Auteur :Mathias Latina


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