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Le CRFPA : nouvelle polémique
L’examen du CRFPA est une source inépuisable de polémiques. Récemment, c’est la qualification d’examen qui a donné lieu à controverse, certains prétendant qu’il y aurait une sorte de numerus clausus caché qui transformerait cet examen en un concours. Sur ce point, nous ne reviendrons pas. Aujourd’hui, à la faveur du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, c’est le nombre d’années d’études requis pour pouvoir passer cet examen qui crée des tensions.
Actuellement, l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que nul ne peut accéder à la profession d’avocat « sans être titulaire (…) d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents (…) ».
Or, l’article 19 du projet de loi précité envisage de modifier cet article en remplaçant le terme « maîtrise » par celui de « master ».
Cette modification aura pour conséquence d’interdire aux candidats de tenter l’examen du CRFPA avec un master 1. Seuls les étudiants diplômés d’un master 2 pourront, en conséquence, valablement s’inscrire.
En d’autres termes, l’examen du CRFPA sera accessible à bac + 5, et non plus à bac + 4.
Dans un premier mouvement de l’esprit, cette modification pourrait sembler découler de la logique des choses.
D’abord, il s’agit d’une conséquence de l’adoption de la réforme LMD (Licence/master/doctorat) et, en particulier, de l’abaissement de la sélection au passage de la licence au master. Tous les étudiants qui ont été sélectionnés en master 1, et qui obtiennent leur année, passent, de droit, en master 2. En outre, le taux de réussite des étudiants inscrits en master 2 est, en général, très élevé de sorte que la réforme envisagée n’aura pas pour effet d’empêcher des étudiants de passer l’examen du CRFPA.
Les étudiants sacrifiés sont ceux qui, ayant obtenu leur licence, ne l’ont pas obtenue dans des conditions leur permettant d’être sélectionnés en master. Reste que, sur ce point, la réforme est neutre, le mal étant déjà fait.
Ensuite, et même si les mentalités ont mis du temps à évoluer, le diplôme de master n’est plus considéré comme l’addition de deux années indépendantes l’une de l’autre. De nombreux masters sont, aujourd’hui, dits « tubulaires », les deux années se complétant l’une l’autre. Dans ce nouveau système, il peut paraître étrange de permettre à un étudiant de quitter l’Université en Master 1, c’est-à-dire au milieu du gué du master.
En somme, c’est le système ancien, composé d’une maîtrise (bac + 4) et d’un DEUG ou d’un DESS (bac + 5), qui n’était accessible qu’après sélection, qui justifiait la règle de la loi de 1971.
Ce système ayant disparu, il faudrait, par cohérence, faire évoluer les règles d’accès à la profession d’avocat.
Enfin, la réforme n’aurait qu’une faible incidence pratique puisque la quasi-totalité des avocats a, d’ores et déjà, un niveau master.
Ces explications peuvent ne pas totalement convaincre.
La portion des étudiants qui réussit l’examen avec un master 1 n’est, actuellement, pas négligeable. Par exemple, à l’Université de Nice, 10 étudiants admis sur 71 en 2002 n’avaient qu’un master 1 au moment de leur réussite.
Ainsi, si la plupart des avocats ont un master 2, c’est parce que ceux qui ont obtenu l’examen avec un master 1 passent ce master 2 dans le cadre de la formation professionnelle d’avocat. Ils utilisent, en effet, la période de six mois du Projet pédagogique individuel (PPI) pour effectuer leur master 2.
Les arguments tirés de la cohérence de la réforme LMD ou de la continuité entre le M1 et le M2 tombent : la réussite à l’examen d’avocat n’empêche en effet nullement de finir son cursus universitaire.
Puisqu’en outre le passage de bac + 4 à bac + 5 n’entraînera aucune diminution significative du nombre des candidats (cf supra), la réforme, si tant est qu’elle ait été inspirée par un malthusianisme de mauvais aloi, manquerait donc cet objectif.
Finalement, le seul argument est celui de la « conformité avec les autres professions judiciaires et juridiques telles que les notaires ou les commissaires de justice » (Exposé des motifs - Sénat).
Tout ne serait-il donc question que de prestige ? Puisqu’il faudrait un bac + 5 pour être notaire, commissaire de justice, mais également commissaire de police, il faudrait avoir le même niveau de diplôme pour accéder à la profession d’avocat !
On imagine bien que, demain, c’est le concours de la magistrature qui passera à bac + 5 et on s’étonne d’ailleurs que le projet de loi ne dise rien à ce sujet.
C’est l’inflation, en ce domaine, comme dans tant d’autres.
On peut le regretter à l’heure où tant d’étudiants vivent sous le seuil de pauvreté. Un an d’étude en moins, ce n’est pas négligeable lorsque l’on doit financer ses études.
Est-il si inconcevable de laisser à un étudiant aspirant à la profession d’avocat ou, demain, de magistrat de tenter sa chance après 4 années d’études, et ce d’autant que l’essentiel des connaissances dont on vérifiera l’acquisition a été dispensée pendant ces années ?
S’il est une profession qui devrait résister à cette tendance, c’est celle d’avocat.
Mieux, s’il ne devait rester qu’une profession juridique accessible à bac + 4, ce devrait être celle-là !
Non parce que cette profession demande moins de compétence que les autres, mais en raison de sa tradition d’indépendance et d’ouverture !
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