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Le billet
Le foulard islamique et la liberté d’entreprise…
Nouvel épisode du foulard islamique… Cette fois-ci, il s’agissait de la question du port de ce fichu en entreprise, donc dans le secteur privé.
On se souvient que le 19 mars 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans l’affaire Baby Loup (n° 11-28. 645), avait décidé que le licenciement d’une femme voilée était nul parce qu’il avait été prononcé par son employeur « pour un motif discriminatoire ».
Nul n’a oublié non plus la polémique que cet arrêt avait engendrée. Les partisans d’une laïcité pure et dure s’étaient indignés que les juges du quai de l’horloge aient foulé du pied le principe éponyme, en déniant le droit à une crèche privée le droit d’interdire le port du foulard en son sein. Les tenants d’une laïcité plus flexible s’étaient au contraire félicités que, dans le secteur privé, la liberté religieuse règne et ne fléchisse pas contre un règlement intérieur qui lui porte atteinte. Quoiqu’il en soit, l’Assemblée plénière a ensuite pris le contre-pied de la chambre sociale (25 juin 2014, n° 13-28.369).
Le 14 mars dernier, la CJUE a, dans deux décisions (CJUE, gr. ch., 14 mars 2017, Bougnaoui et ADDH, n° C-188/15 et G4S Secure Solutions, n° C-157/15, V. Dalloz Actu Étudiant, 21 mars 2017), exprimé son opinion sur la question du port de signe visible de convictions politiques, philosophique ou religieux, en fait, nul n’est dupe en effet, sur la question du port du foulard islamique au sein d’une entreprise privée. Elle a admis, en substance et en bref, qu’une clause d’un règlement intérieur pouvait interdire le port du foulard islamique dans l’entreprise et imposer donc à tous les salariés, notamment aux salariés musulmans, une neutralité vestimentaire au nom de la liberté d’entreprise, comprise en l’occurrence comme le pouvoir reconnu au chef d’entreprise de mener une politique de neutralité à l’égard de ses clients.
Ces décisions ont déjà fait l’objet d’appréciation diverses et variées. Certains se sont félicités que « la présente jurisprudence de la CJUE constitue un timide effort pour freiner l’instrumentalisation des droits de l’homme au service de l’islamisation de l’Europe », étant entendu que, comme chacun sait, « l’islam conquérant profite de notre culte des droits de l’homme pour faire triompher chez nous son système contraignant de droits collectifs et de normes sociales » (J.-L. Harouel, Figarovox, 15 mars 2017), bien entendu…
On en revient toujours au même dilemme dans ces affaires de foulard islamique, puisqu’encore une fois alors que depuis des lustres d’autres signes religieux étaient ostensiblement portés en entreprise, cela n’avait pas suscité l’esquisse d’une réprobation et encore moins l’amorce d’un contentieux judiciaire. Au fond, il s’agit de savoir si on privilégie la liberté de conscience, au moins apparente, des femmes qui le portent, ce qui permettrait de ne leur fermer les portes ni de l’Université, ni de celles de l’entreprise, entre autres, et ainsi de favoriser leur intégration, en tout cas de ne pas y faire obstacle, sur la liberté de la femme et de l’égalité des sexes auquel, dans une vision occidentale, le port de ces voiles fait injure.
Un choc de libertés fondamentales, en somme, dont la conciliation apparaît année après année comme une mission toujours plus difficile, tant il est instrumentalisé à des fins politiciennes qui donnent la nausée.
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