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Le billet
Le mégalo de la Générale : pénalement coupable mais civilement « presque » irresponsable…
Enième épisode judiciaire des aventures du Rastignac de la finance virtuelle qui, dévoré par l’ambition, avait naguère réussi à intégrer l’équipe d’élite des produits financiers de la Société Générale. Durement atteint par le syndrome de l’argent fou, le vilain petit canard des traders avait, pendant l’année 2007, dépassé les limites de transactions qui lui avaient été fixées et en déjouant tous les systèmes de contrôle et de surveillance mis en place par la banque qui l’employait, et risqué 50 milliards d’actions… Après avoir frôlé la faillite, la Société Générale avait finalement essuyé une ardoise d’environ 5 milliards d’euros.
Dans un premier temps, les premiers juges du fond saisis de cette affaire avaient durement sanctionnés le trader : 5 ans d’emprisonnement, dont trois fermes, sur le plan pénal et 4,91 milliards de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par la Société Générale (Paris, 24 oct. 2012, n° 11/00404).
Avec l’aide de son très médiatique avocat, le condamné avait alors tout mis en œuvre pour attirer la sympathie du grand public. Rencontre prétendue avec le pape, onction papal suivie d’une longue marche destinée à le faire passer comme un croisé de la cause anti-fric, innombrables plateaux de télévisions et j’en passe…
En dépit de cette gesticulation médiatique visant à le faire passer pour un martyr, notre repenti avait dû de nouveau faire face à la justice. Le 19 mars 2014, la Cour de cassation avait, à son grand désarroi, rejeté son pourvoi quant à sa responsabilité pénale, mais avait néanmoins cassé la décision des juges du fond qui avaient refusé un partage de responsabilité civile, en dépit de la faute commise par la victime (Crim. 19 mars 2014, n° 12-87.416 P). Sur ce second point, la Cour avait opéré un remarquable revirement de jurisprudence. En effet, jusqu’alors, elle décidait que la faute de la victime d’une atteinte aux biens n’emportait aucun partage de responsabilité. La raison était simple à comprendre : si la faute de la victime d’une telle atteinte était susceptible de diminuer le montant de sa réparation, l’auteur de l’infraction aurait donc conservé une partie de profit que sa faute pénale lui avait procuré, ce que la morale la plus élémentaire excluait. Mais avec son arrêt, la Cour écartait donc la règle morale et appliquait aux dommages aux biens, la règle générale en vertu de laquelle la faute de la victime exerce une influence sur le montant de la réparation à laquelle elle a droit.
La cour d’appel de Versailles, statuant sur renvoi, a rendu un arrêt mi figues, mi raisins pour les deux protagonistes de cette affaire à rebondissements (Versailles, 23 sept. 2016, n° 14/01570). Elle rappelle d’abord au trader que sa condamnation pénale est définitive et qu’il n’est donc pas question de débattre à nouveau en justice de sa responsabilité pénale, si ce n’est via un très incertain procès en révision. Pan sur le bec ! Elle fustige ensuite le comportement de la Société Générale, laquelle par ses fautes diverses et variées a très largement contribué à la réalisation de son préjudice, lequel « n’aurait pas pu être atteint sans le caractère éminemment lacunaire (de ses) systèmes de contrôle (…) qui ont généré un dégré de vulnérabilité élevé ». Pan sur le bec, itou !
Après avoir apprécié l’importance des fautes imputables à la victime, la cour d’appel réduit son préjudice à 1 million d’euros. Une misère au regard des 4,91 milliards d’euros auxquels avaient été initialement condamné l’auteur du dommage. A ceci près qu’alors que le montant de la dette initiale de réparation lui conférait un caractère purement virtuel, en ce sens que le responsable ne pourrait jamais y faire face, celui retenu par les juges versaillais est tel qu’il n’apparaît pas impossible pour son débiteur de pouvoir y faire face un jour ou l’autre.
Pour un million, tu n’as plus rien, pourrait répliquer la Société Générale, mais ses négligences graves méritaient bien une peine…
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