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Le nouveau Gouvernement italien, difficilement nommé et rapidement fragilisé après l’affaire de l’Aquarius
Alors que le ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, a opposé un non ferme et définitif à l’accostage du bateau de sauvetage en méditerranée, l’Aquarius, dans un port de la péninsule, c’est l’équilibre fraichement atteint en Italie au sein du pouvoir exécutif qui pourrait être mis à mal. Cela nous rappelle combien les majorités sont dures à trouver et délicates à conserver de nos jours, quel que soit le régime politique en vigueur.
La semaine dernière, Matteo Salvini a refusé le débarquement en Italie de plus de six cents migrants qui se trouvaient à bord du bateau de sauvetage l’Aquarius, avant de déclarer que cette décision faisait l’objet d’un accord total au sein du Gouvernement. Ce dernier a été nommé le 1er juin par le Président de la République italienne, Sergio Mattarella, après une longue période d’incertitude. En effet, les élections législatives du 4 mars dernier – organisées sur la base d’un scrutin mixte accordant une large part à la proportionnelle – n’ont pas permis de faire émerger une majorité au Parlement et ont illustré la fracture du pays puisque les deux partis qui ont obtenu le plus de voix sont diamétralement opposés sur le plan politique (Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue).
Dans ce contexte, la formation d’un Gouvernement de coalition n’a pas été simple. Il aura fallu plus de quatre-vingt jours pour qu’un accord-cadre gouvernemental soit conclu entre les deux partis et qu’une formation ministérielle soit approuvée par le Président de la République. Sergio Mattarella a été vivement critiqué en raison de son refus de nommer au ministère de l’économie Paolo Savona, qui avait largement manifesté son souhait de faire sortir l’Italie de la zone euro au cours de la campagne électorale (V. Conférence de presse du Président de la République du 27 mai 2018). Le choix présidentiel a déchaîné les critiques au point que certains – et notamment les membres du M5S – ont déclaré vouloir engager une procédure de destitution du chef de l’État pour atteinte aux institutions républicaines. Cette procédure, prévue à l’article 90 de la Constitution, peut être engagée en cas « de haute trahison ou d’atteinte à la Constitution » (Si elle a souvent été avancée et parfois même initiée, aucun Président italien n’a à ce jour, été officiellement destitué. Les procédures initiées à l’encontre de Giovanni Leone en 1978 et de Francesco Cossiga en 1992 auraient pu aboutir mais les deux chefs d’État ont préféré démissionner). La vigueur et le contenu des attaques peuvent cependant légitimement inquiéter, non pas parce qu’elles sont pertinentes mais parce qu’elles manifestent la colère de dirigeants politiques qui préféreraient ne pas rencontrer d’obstacle dans l’exercice du pouvoir. En refusant ladite nomination, Sergio Mattarella n’a fait qu’utiliser la prérogative qu’il détient de l’article 87 de la Constitution et jouer le rôle d’arbitre qui revient à tout chef d’État d’un régime parlementaire. Il a donc été un contrepoids efficace dans cette période fragile. Aussi, comme l’ont déclaré plusieurs constitutionnalistes italiens, ce qui est inquiétant, ce n’est pas l’acte du Président qui n’a en aucun cas offensé la Constitution mais l’ignorance de cette dernière par ceux qui ont réclamé la destitution.
Finalement, les négociations ont repris et c’est Giuseppe Conte qui dirige désormais le Gouvernement avec le soutien – ou le coaching – de deux vice-présidents du Conseil qui sont les deux leader des partis vainqueurs des élections, Matteo Salvini pour la Ligue (ministre de l’intérieur) et Luigi Di Maio pour le M5S (ministre du développement économique, du travail et des politiques sociales). La recherche d’un compromis entre les différents protagonistes est heureuse car la Constitution italienne n’est pas aussi rationalisée que ses homologues espagnole ou allemande. En conséquence, si aucun Président du conseil n’avait été désigné par le chef de l’État, la sortie de la crise via une dissolution des chambres et la convocation de nouvelles élections générales aurait été probable mais non « automatique » (Alors que les art. 99 de la Constitution espagnole et 63 de la Loi fondamentale allemande anticipent sur les difficultés de nomination du Premier ministre), elle aurait donc sans doute duré.
En conclusion, après avoir réussi à surmonter ces premières tensions, l’exécutif italien doit désormais faire face à celles générées par la crise migratoire. La déclaration d’Emmanuel Macron sur le choix de l’Italie a été mal accueillie par les vice-présidents du Conseil italien qui ont exigé des excuses sous peine d’annuler le déjeuner entre le Président du Conseil et le Président français. Un coup de fil discret entre ces derniers a finalement apaisé les tensions, le déjeuner a pu se dérouler « en toute amitié » mais il faut noter que Giuseppe Conte était venu accompagné par le ministre des affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, europhile convaincu et surtout, proche de Sergio Mattarella. En outre, une partie des militants du M5S contestent le soutien de Luigi Di Maio à Matteo Salvini ce qui fissure l’unité jusque-là affichée au sein de ce parti. Au-delà des frontières italiennes, c’est également l’unité qui est fragilisée au sein de la République En Marche après le long silence et le non-choix présidentiel quant à l’accueil de l’Aquarius et aussi, au sein de la coalition gouvernementale allemande. Il est donc fort à parier que les tensions risquent de s’intensifier un peu partout en Europe au mépris d’un devoir de solidarité que certains États préfèrent oublier.
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