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Le procès Clearstream : questions de droit pénal ou de droit constitutionnel ?
À l'heure où s'ouvre le procès de l'affaire Clearstream, la première question qui se pose est celle de savoir quelle sera l'incidence du statut constitutionnel du président de la République sur la solution qu'auront à rendre les juges.
Il y a d'abord la question de l'immunité : le président de la République est protégé contre toute action et tout acte de procédure en vertu de l’article 67 de la Constitution. En contrepartie, tous les délais de prescription ou de forclusion pour les actes qu’il a commis sont suspendus jusqu’à la fin de son mandat.
La question a été posée de savoir si cette immunité ne provoquait pas à l’égard des contradicteurs du président un certain nombre d’effets indésirables, lorsque celui-ci engageait une action. Supposons par exemple, que la personne faisant l’objet d’une plainte cherche à poursuivre le président en « dénonciation calomnieuse ». Cette dernière action se heurterait à l’immunité présidentielle et ne pourrait être examinée qu’à l’issue de son mandat alors que la plainte principale pourrait l’être immédiatement. De même, tous les frais de procédures, dépens et frais irrépétibles, ne pourraient pas être mis à la charge du président de la République avant la fin de son mandat, ce qui, on en conviendra, crée un obstacle financier sérieux à une défense de qualité.
Et il y a plus fondamentalement la question du rôle du chef de l'État à la tête du Conseil supérieur de la magistrature : compte tenu des pouvoirs de cet organe sur la carrière des magistrats, leur impartialité objective pourrait être remise en cause.
Si la question demeurait jusqu'à présent théorique, la récente affaire du « piratage » de la carte bleue présidentielle a changé la donne car le tribunal correctionnel de Nanterre, le 8 juillet dernier, tout en prononçant des condamnations pénales contre les accusés a décidé qu'il ne pourrait être statué sur la constitution de partie civile du président qu’à l’issue de son mandat car ce n’est qu’à ce moment que les règles du droit du procès équitable seraient remplies.
Au-delà donc du théâtre d'ombres et de manipulations que constitue l'affaire Clearstream, elle sera peut-être l'occasion de prendre une position claire sur la judiciarisation de l'action présidentielle.
Références
Constitution du 4 octobre 1958
« Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.
Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions. »
Les dépens représentent la part des frais engendrés par le procès que le gagnant peut se faire rembourser par le perdant, à moins que le tribunal n’en décide autrement.
Ils comprennent 1°) les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétariats des juridictions ou l’administration des Impôts; 2°) les indemnités des témoins; 3°) la rémunération des techniciens; 4°) les débours tarifés; 5°) les émoluments des officiers publics ou ministériels; 6°) la rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie; 7°) les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger; 8°) les frais d’interprétariat et de traduction liés aux mesures d’instruction dans le cadre communautaire.
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
Se dit des frais de justice non compris dans les dépens (comme les honoraires d’avocats) et comme tels insusceptibles d’être recouvrés par le gagnant, sauf au juge à condamner l’autre partie à lui verser une indemnité au titre de l’équité.
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
« Protection offerte au titulaire d'une fonction, à raison des exigences de celle-ci, qui la soustrait en tout ou partie au droit commun (…). »
Source : Lexique de science politique, 1re éd., Dalloz, 2008.
Conseil supérieur de la magistrature :
« Organe constitutionnel destiné à garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire. Profondément modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (L. no 2008-724) (…). »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
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