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Le projet d’abolition universelle de la peine de mort
Du 15 au 18 novembre 2022, le 8e congrès mondial contre la peine de mort s’est tenu à Berlin. Quelques jours avant, la 3e commission de l’Assemblée générale des Nations Unies a voté en faveur d’un moratoire universel sur l’application de la peine de mort, à une large majorité. Ce mouvement en faveur de l’abolition universelle de la peine capitale offre l’occasion de revenir sur un débat qui reste toujours clivant au gré de l’actualité.
La peine de mort a été abolie en France par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981. Le projet a été présenté au Parlement par le garde des Sceaux Robert Badinter, qui était devenu un fervent militant contre la peine capitale alors qu’en sa qualité d’avocat, il avait assisté à l’exécution d’un de ses clients en novembre 1972. À compter de cette date, il a plaidé à plusieurs reprises contre la mort par guillotine. Portant ainsi une des promesses de campagne du candidat Mitterrand, le ministre de la Justice livra un long discours dans lequel il cita notamment Jaurès pour rappeler que « "La peine de mort est contraire à ce que l'humanité́ depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble." »
La France a ensuite confirmé son engagement abolitionniste en ratifiant tout d’abord en 1985, le 6e Protocole à la Convention européenne des droits de l’homme qui visait à interdire aux États de recourir à la peine de mort. Ensuite, conformément à l’article 89 de la Constitution, le congrès vote la constitutionnalisation de l’interdiction de la peine de mort en 2007 (L. const. n° 2007-239 du 23 févr. 2007 relative à l’interdiction de la peine de mort). Cette dernière est inscrite à l’article 66-1 du texte.
Il est intéressant de constater que l’engagement contre la peine capitale en France s’est toujours fait alors que l’opinion publique était (et est encore) assez partagée sur le sujet (v. Baromètre « Fractures française 2020 », Ipsos/sopra Steria pour le Monde, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne, p. 31-32, ici). Les arguments en faveur de l’abolition ne sont pas nouveaux mais ils méritent d’être sans cesse rappelés car le combat est toujours d’actualité. Certes, la tendance s’inverse progressivement : en 1981, ce sont deux tiers des États qui pratiquaient régulièrement la peine de mort. Aujourd’hui, 60 % des états sont abolitionnistes et parmi les 193 États membres des Nations-Unies, 109 sont abolitionnistes pour tous les crimes, 8 le sont pour les crimes de droit commun et 29 sont en moratoire sur les exécutions. Néanmoins, 52 états appliquent encore la peine de mort (v. Baromètre de la peine de mort, ici).
Si l’importance de poursuivre le combat ne fait aucun doute, elle ne doit pas occulter d’autres débats essentiels à mener à l’instar de celui de la conciliation de la peine de réclusion criminelle et les droits des détenus. La Cour européenne des droits de l’homme se montre particulièrement attentive au respect de l’article 3 de la convention par les États parties vis-à-vis des personnes condamnées à perpétuité (v. par ex., CEDH 9 juill. 2013, Vinter c/ Royaume-Uni, n° 66069/09 et 4 sept. 2014, Trabelsi c/ Belgique, n° 140/10). L’ensemble de ces éléments démontrent combien la question du choix et du sens de la peine dans nos sociétés contemporaines doit encore être renouvelée.
Références :
■ CEDH 9 juill. 2013, Vinter c/ Royaume-Uni, n° 66069/09 : D. 2013. 2081, obs. M. Lena, note J.-F. Renucci ; ibid. 2713, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2014. 1235, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; AJ pénal 2013. 494, obs. D. van Zyl Smit ; RSC 2013. 625, chron. P. Poncela ; ibid. 649, obs. D. Roets.
■ CEDH 4 sept. 2014, Trabelsi c/ Belgique, n° 140/10 : AJDA 2014. 1688.
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