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[ 2 mars 2020 ] Imprimer

Le rapport public annuel 2020 de la Cour des comptes, le tant attendu !

Il est enfin rendu public le rapport annuel de la Cour des comptes ! Attendu qu’il était alors que depuis Philippe Séguin, la pratique s’était établie d’un rapport rendu public en février de chaque année. 

Un rendez-vous devenu incontournable auquel les journalistes sont conviés à l’occasion d’une conférence de presse. Le Premier président Séguin avait ainsi mis sous un éclairage nouveau l’activité de la Cour des comptes qui jusqu’alors ne disposait pas d’un tel relais médiatique. Une volonté clairement affichée de ce Premier président qui avait bien compris tout l’intérêt que le juge financier pouvait en retirer. Comme l’a rappelé Chantal Didier, éditorialiste à l’Est républicain dans l’ouvrage dédié au Premier président (Philippe Séguin à la Cour des comptes, Comité d’histoire de la Cour des comptes, La Doc. fr., 2020, p. 299), « Philippe Séguin accordait une importance particulière au devoir d’informer. Parce que les citoyens ont le droit de savoir comment est utilisé l’argent du contribuable. Parce que l’ancien responsable politique connaissait le poids des médias et voulait s’appuyer sur eux pour que les rapports de la Cour des comptes soient suivis d’effets ».

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes à compter de 2010 a reproduit l’exercice selon le rythme défini d’un rapport d’abord remis au Chef de l’État puis adressé aux assemblées parlementaires en février de chaque année.

La question se posait donc pour cette année alors que Didier Migaud avait été nommé à la tête de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique à compter du 31 janvier 2020 et ayant donc cessé ses fonctions de premier président de la Cour à cette même date (Décr. du 29 janv. 2020 portant cessation de fonctions du premier président de la Cour des comptes, JO 30 janv. ; Décret du 29 janv. 2020 portant nomination du président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, JO 30 janv.), de la date à laquelle ce rapport allait être rendu public.

Probablement las d’attendre que son nouveau premier président soit nommé, la Cour des comptes a fait le choix de rendre public ce rapport le mardi 25 février, sans tambour ni trompette. 

Dès le 24 février, au moyen des réseaux sociaux, la Cour des comptes distillait de premières informations issues de son rapport et notamment le taux de suivi des observations formulées par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) - un pourcentage affiché à 75,6 % pour la première et 74,9 % pour les secondes (pages Twitter et Facebook de la Cour des comptes).  

A 10 heures le 25 février, ainsi qu’elle l’avait annoncé, la Cour des comptes a mis en ligne son rapport. 

Sans surprise, l’analyse de ce rapport témoigne de la diversité des enquêtes que réalise la Cour des comptes pour répondre à sa mission de contrôle de l’emploi des fonds publics. 

Dans une première partie, la Cour des comptes revient, au travers de 13 chapitres, sur la situation d’ensemble des finances publiques avec des thématiques aussi variées que les drones militaires aériens, la desserte aéroportuaire de la Bretagne, les aides personnelles au logement, les services communaux de restauration collective ou encore les agences et offices en Corse… L’occasion de regretter, pour certains de ces thèmes, des pratiques inappropriées. Ainsi à propos de l’École polytechnique où les élèves de ce prestigieux établissement sont tenus de rembourser leurs frais de scolarité s’ils font le choix du secteur privé dans les premières années qui suivent leur formation. Déjà en 2012, à l’occasion d’un référé du Premier président de la Cour, la remarque avait été formulée : l’École n’exige pas de ses anciens élèves le remboursement de ces frais. A l’époque, le manque à gagner avait été estimé à 300 000 €. Manifestement, un avertissement qui n’a pas produit les effets escomptés puisque la Cour des comptes récidive cette année en regrettant un défaut dans le suivi de l’insertion des élèves qui ne permet pas d’identifier les cas de pantouflage.

Ensuite et pour la première fois, la Cour des comptes se penche sur une politique transversale (2e partie du rapport) : le numérique au service de la transformation de l’action publique, au travers de 9 enquêtes portant, notamment sur la dématérialisation de la délivrance de titres par les préfectures, les services numériques de Pôle emploi ou encore la numérisation de la demande de logement social.

Le rapport se complète de développements consacrés aux actions, résultats et moyens des juridictions financières en 2019 (4e partie) et aux suivi donné aux recommandations formulées par les juridictions financières (3e partie). C’est avec le rapport public annuel 2006, à l’initiative du Premier président Séguin, qu’une partie dédiée à ce suivi a été insérée dans ce rapport. Philippe Séguin soulignait alors que « cette démarche » n’était pas « anodine » puisqu’il ne s’agissait « pas seulement d’informer sur les suites, mais de veiller à ce qu’il y en ait » (Séguin Ph., Discours accompagnant la présentation du RPA 2006). Cette partie du rapport a, par la suite, été consacrée avec la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011.

Avec son rapport 2020, la Cour des comptes fait état d’un taux de suivi pour ses propres observations de 75,6 % pour l’année 2019, en progression nette par rapport aux années précédentes : 70,1 % en 2015 ; 72 % en 2016 ; 72,5 % en 2017 ; 72,4 % en 2018.

L’évolution apparaît plus contrastée au niveau des CRTC avec un taux affiché de 74,9 % pour l’année 2018, en recul par rapport aux années précédentes : 79 % en 2016 et 78,9 % en 2017. Une évolution relativisée dans le rapport en comparaison du nombre d’observations formulées en 2018, plus important que les années précédentes (2 182 en 2018 ; 1 623 en 2016) et au travers d’une approche plus fine de ce taux distinguant les recommandations totalement suivies d’effets (44,4 % en 2018 ; 41,1 % en 2017) de celles dont la mise en œuvre est en cours ou incomplète.

Cette troisième partie du rapport doit particulièrement intéresser. En effet, ce suivi est indispensable afin de garantir que des suites soient effectivement données aux observations formulées par les juridictions financières. Trop longtemps, leurs compétences en la matière ont été contestées alors que sur le principe, ces observations se présentent comme de simples avis, dénués de valeur juridique. Au niveau local, la tonalité apparaît toutefois différente depuis que la loi NOTRe a imposé aux ordonnateurs locaux de produire dans l’année suivant la formulation de ces observations, un rapport adressé à la CRC, sur les suites données aux observations formulées par cette dernière (S. Damarey , Droit public financier, Précis Dalloz, oct. 2018, p. 1034 s.).

Plus largement, alors qu’il revient au juge financier de s’assurer du bon emploi (voire de l’emploi régulier) des fonds publics et d’en informer les citoyens (DDH, art. 15), la création d’un outil de suivi était devenue une nécessité. Dans le cadre de la LOLF, le suivi de ces recommandations est même devenu un indicateur de mesure de l’activité des juridictions financières, probablement le principal indicateur de performance du programme 164 dédié à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières.

Le rapport public annuel permet ainsi de donner un écho certain, en termes d’efficacité, à l’action menée par les juridictions financières en la matière. 

A plus d’un titre, le rapport public annuel est donc attendu, chaque année « comme un temps fort de l’année politique » -  ainsi que s’exprimait le sénateur Poncelet en 2007 (Sénat, Séance du 26 nov. 2007, à l’occasion du dépôt annuel de ce rapport). Temps fort qui offre l’occasion au citoyen, au politique, au journaliste, à l’universitaire, à l’étudiant d’apprécier la manière avec laquelle l’argent du contribuable est utilisé. 

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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