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Le billet
Le rendez-vous manqué de la réforme des institutions représentatives du personnel
Faute de pouvoir remédier au problème du chômage, nombre de réformes récentes se contentent de modifier un certain nombre de règles du droit du travail dans le but proclamé (et jamais réalisé) de favoriser le développement de l'emploi. Après la « modernisation du marché du travail » (2008) et la « sécurisation de l'emploi » (2013), vient aujourd'hui le temps d'une réforme annoncée du « dialogue social dans l'entreprise ».
Le ministre du Travail avait surpris en avançant en mai 2014 la volonté du gouvernement de suspendre pour une durée de trois ans l'application des seuils sociaux déclenchant l'obligation de mettre en place des institutions représentatives du personnel (comité d'entreprise, délégué syndical, délégué du personnel) dans le but de permettre le développement de l'emploi.
Conformément à la procédure énoncée par l'article L. 1 du Code du travail qui impose d'engager des concertations avec les partenaires sociaux en cas de projet de réforme en droit du travail, il leur soumit, à l'issue de la Grande conférence sociale du mois de juillet 2014, une Feuille de route traçant les contours de la négociation. Prudente, celle-ci envisageait une négociation dans trois directions distinctes :
– l'amélioration de la représentation des salariés dans les entreprises, notamment dans les PME ;
– la clarification et la simplification des missions de chacune des institutions représentatives du personnel ;
– et la facilitation de l'exercice des mandats représentatifs.
La suspension des seuils sociaux, prévue dans une loi expérimentale adoptée en contrepartie de ces évolutions, ne faisait pas l'objet des points sur lesquels le gouvernement en appelait à une négociation des partenaires sociaux.
Il revenait au patronat, conformément aux pratiques habituelles, de proposer un premier texte destiné à servir de base à la négociation.
Intitulé « Négociation relative à la qualité et à l’efficacité du dialogue social dans l’entreprise et à l’amélioration de la représentation des salariés », le projet propose une refonte complète de notre système de représentation du personnel. Il considère d'entrée que le dialogue social est un « facteur décisif » de la compétitivité de l'économie. Il indique que la piètre qualité du dialogue social dans notre pays aurait une cause unique : une législation tatillonne et pléthorique, incitant les entreprises à ne s'engager que dans un dialogue superficiel avec les institutions représentatives du personnel.
Il est alors envisagé de proposer un dispositif nouveau, adapté aux « spécificités de la société actuelle », modelé selon les besoins de chaque entreprise. Les salariés auraient à se prononcer par référendum tous les quatre ans sur le mode de représentation qui leur conviendrait le mieux. Ils auraient, à ce titre, la possibilité d'opter pour la mise en place d'un conseil d'entreprise, instance unique de représentation du personnel, exerçant à la fois des missions de consultation (actuellement confiées au comité d'entreprise) et de négociation (relevant du délégué syndical). Cette instance élue serait appelée à déterminer elle-même les modalités de son propre fonctionnement. Le recours à la négociation collective serait décidé par cette instance sans que le projet parvienne à clarifier véritablement le rôle qui lui serait dévolu.
Il serait malvenu de reprocher à un projet liminaire d'accord collectif de ne pas comporter toute la lumière souhaitée avant l'engagement des débats ou de critiquer une organisation patronale de présenter un texte peu consensuel dans un contexte de concurrence très dure entre les organisations professionnelles.
Il n'en reste pas moins que cette proposition de sept pages, d'une qualité très relative, montre une nette dégradation des relations entre les partenaires sociaux. Le besoin d'une amélioration du cadre de la représentation du personnel, renforçant la présence des représentants du personnel en l'adaptant aux structures des entreprises, consolidant leur rôle dans le fonctionnement de l'entreprise, et facilitant leur intervention par une clarification de leur rôle, est clairement perceptible.
Le projet aborde avec légèreté ces problématiques, en n'assignant à la représentation du personnel qu'une finalité économique, en ne proposant pour tout modèle de représentation qu'un renvoi aux préférences des destinataires, et en envisageant comme seule perspective la fusion d'institutions existantes sans réfléchir au rôle de chacune d'entre elles. Le texte pourrait au total ne refléter que la faible volonté du patronat de faire évoluer ces questions.
Face aux réactions très réservées des syndicats, le patronat a annoncé son souhait de retarder la suite des négociations afin de peaufiner sa copie.
Réformer le système français de représentation du personnel est assurément un exercice pour lequel les consensus seront difficiles à trouver. Une chose est certaine toutefois : la perspective même de la concertation entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux ne peut que troubler les esprits. La réforme du dialogue social ne peut être entreprise sous l'auspice de la création d'emplois avec laquelle elle n'entretient pas de véritable rapport. La démocratie, fût-elle sociale, est affaire de représentation, de pouvoirs, d'institutions, de libertés et ne peut être assignée à des fins purement marchandes.
Références
■ Article L. 1 du Code du travail
« Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation.
A cet effet, le Gouvernement leur communique un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.
Lorsqu'elles font connaître leur intention d'engager une telle négociation, les organisations indiquent également au Gouvernement le délai qu'elles estiment nécessaire pour conduire la négociation.
Le présent article n'est pas applicable en cas d'urgence. Lorsque le Gouvernement décide de mettre en oeuvre un projet de réforme en l'absence de procédure de concertation, il fait connaître cette décision aux organisations mentionnées au premier alinéa en la motivant dans un document qu'il transmet à ces organisations avant de prendre toute mesure nécessitée par l'urgence. »
■ Feuille de route : travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Feuille_de_route_grande_conference_sociale_2014-_VF.pdf
■ Projet : travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/document_d_orientation_dialogue_social_29_07_2014.pdf
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