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Le retard du nouveau Vélib : quelques leçons à tirer en matière de droit des marchés publics
Les parisiens s’agacent, les provinciaux en font des gorges chaudes, les journaux et les sites Internet y consacrent des titres de plus en plus gros à mesure que les semaines passent : le nouveau Vélib est en retard et malgré les engagements, les proclamations et toutes autres sortes de prises de position on n’a pas l’impression que les choses avancent beaucoup plus vite.
Comment peut-on expliquer ce retard ? Les opposants politiques diront que c’est de la faute de la maire de Paris, les grincheux diront que de toute façon, dans ce pays, tout fout le camp ; sans compter les défenseurs de la voiture dont on imagine bien les arguments. Mais si l’on veut un instant se départir de ces passions et regarder la situation avec l’œil du juriste, et bien on se doit de constater qu’elle est pleine d’informations sur le fonctionnement du droit et de l’économie des marchés publics.
Lorsque le choix a été fait, dans le cadre de la procédure de passation du marché de ne pas renouveler l’opérateur en place et de confier la gestion du dispositif à un consortium qui disposait de beaucoup moins d’expérience, plusieurs paris ont été pris par le pouvoir adjudicateur, paris vraisemblablement risqués comme nous le montre la situation actuelle.
Le premier pari, mais il était dicté par le principe même des règles d’attribution des marchés publics tient au fait d’avoir tenu pour certains et acquis les engagements pris par le nouveau groupement et qui plaçaient son offre en tête, sur la base des critères d’attribution qui avait été définis. Mais, on se trouve ici en présence d’un problème extrêmement classique en droit des marchés publics : les choix sont principalement faits sur la base de « mémoires techniques » dont l’administration a souvent le plus grand mal à déterminer la manière dont l’entreprise les mettra véritablement en œuvre. Sans doute, pour des projets classiques, le pouvoir adjudicateur se fera assister par un maître d’œuvre qui saura l’alerter sur les risques ainsi encourus. Mais dans le cadre de marchés moins conventionnels, il reste une forte part d’aléa.
Le deuxième pari tenait à ce que le pouvoir adjudicateur envisageait que la transition entre l’ancien et le nouveau titulaire du marché pourrait se faire simplement en toute fluidité. Mais c’est là mal connaître la réalité des successions d’entreprises (que ce soit d’ailleurs en matière de marchés ou de concession de service) qui pose toujours des problèmes considérables surtout lorsque, comme en l’espèce, le matériel installé (bornes et vélos) doit être récupéré par l’ancien exploitant. C’est la raison pour laquelle on sait aujourd’hui qu’il est nécessaire de prévoir des clauses extrêmement précises sur la fin du marché de manière à tenter de régulariser autant qu’il est possible la succession d’opérateurs.
Le troisième pari, et à la vérité celui-là était pratiquement intenable, était celui de coupler le changement d’opérateur, le changement de service (notamment en développant considérablement l’offre de vélos à assistance électrique) et simultanément de garantir la continuité du service pour reprendre une terminologie bien connue des administrativistes.
Mieux eu sans doute valu de commencer par assurer la transition des opérateurs pour ensuite assurer la transformation progressive du service : dans ce contexte la continuité aurait été plus commode à assurer.
Sans doute, après coup ces critiques sont aisées, mais néanmoins cette situation doit attirer l’attention sur le fait que le droit des marchés publics ne se résume pas à des codes ou à des ordonnances modifiés d’année en année : il nécessite la mise en œuvre d’une technique contractuelle très sophistiquée permettant au pouvoir adjudicateur de limiter les risques de déconvenues et d’échecs de la mise en œuvre de projets. Au-delà des réformes législatives et réglementaires, c’est sans doute aujourd’hui sur ces questions de technique contractuelle que l’on peut attendre de nouvelles réflexions et une structuration plus enrichie du droit des marchés.
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