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Le billet
Le sport spectacle est une religion, le droit doit-il être son prophète ?
Que le sport soit devenu au cours du dernier demi-siècle, une forme de spectacle ayant de fortes composantes religieuses, cela relève du lieu commun. L'actualité récente nous montre toutefois que le droit contribue à la construction de cet espace sacré, en faisant du sport une activité qui échappe aux règles communes de la vie en société. Évidemment, à tout seigneur tout honneur, il faut ici dire un mot de la fameuse main qui concourut il y a quelques mois à la qualification de la France à la coupe du Monde de football. Dans n'importe quelle autre activité, de la vie civile ou de la vie des affaires, une violation aussi évidente des règles applicables aurait conduit à la remise en cause du résultat. Mais il existe ici une règle d'airain ; les décisions arbitrales ne peuvent faire l'objet d'aucun recours, quand bien même seraient-elles grossièrement erronées.
Tout récemment, deux joueurs de rugby français se sont vus condamnés à des suspensions respectivement de 24 et 70 semaines pour des gestes d'anti-jeu, par une personne morale de droit irlandais. Alors que le droit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme impose, dans tous les domaines civils et pénaux l'obligation d'un droit au recours effectif, les sportifs ne pourront contester ces sanctions que devant le «tribunal arbitral du sport », constitutif d'une justice privée.
Que dire encore de la régression actuelle de la lutte contre le dopage, en témoignent les performances stratosphériques des derniers jeux olympiques ou du dernier Tour de France, sinon qu'elle manifeste que l'enjeu de la construction d'un homme au corps surhumain prime sur toutes les préoccupations, de loyauté comme de santé. Et naturellement, il ne faut pas oublier qu'en dehors de quelques sanctions de peu d'effet, il continue de résonner, dans chaque stade de football , au cours de chaque rencontre de « ligue1 », des injures racistes et des cris d'animaux. Force est de constater qu'ici la « tolérance zéro » n'est pas de mise, car le sport spectacle est une religion qui favorise la transe et tolère, sinon excuse, les paroles et gestes provoqués par cet état second.
Cette mise à l'écart des principes juridiques ordinaires traduit bien la construction du sport comme espace sacré, soumis à ses propres règles et à elles seules. Il est permis de ne pas s'en réjouir.
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