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L’échec du référendum constitutionnel en Italie, beaucoup de bruit pour quoi ?
La tension est montée en Italie à l’approche du référendum sur la réforme constitutionnelle qui se déroulait dimanche 4 décembre. Tous les journaux, italiens et étrangers, y sont allés de leur pronostic mais personne finalement ne pouvait dire ce qui se jouait avec ce référendum ni quelle en serait l’issue. Une seule chose est certaine au lendemain du rejet de la réforme institutionnelle proposée : Matteo Renzi a annoncé remettre sa démission au Président de la République ce qui ouvrira une nouvelle page tourmentée de la vie politique italienne.
Incontestablement, la vie institutionnelle et politique est pleine de surprise que les sondeurs n’arrivent plus à anticiper : Donald Trump a été élu Président des États-Unis, François Fillon a remporté les primaires de la droite, François Hollande sera le premier Président de la Cinquième République à ne pas se présenter pour une réélection… On comprend dès lors que la tension soit montée en Italie puisque personne ne s’accordait sur l’avenir du pays, que les citoyens approuvent ou rejettent la réforme constitutionnelle sur laquelle ils ont été consultés par référendum dimanche 4 décembre.
■ Mettre un terme au bicamérisme parfait
Tout commence en février 2014, lorsque Matteo Renzi arrive à la présidence du Gouvernement, porté par une ferme volonté de lancer l’Italie sur la voie du changement. Il propose un vaste projet de réforme constitutionnelle (plus de 47 articles devaient être modifiés) qui vise essentiellement à remettre en cause l’égalité entre la Chambre des députés et le Sénat.
Ce bicamérisme parfait serait en effet source de lenteur législative et de confusion entre les deux chambres parlementaires et jouerait comme un frein à toute résolution des problèmes que l’Italie affronte depuis longtemps. La réforme constitutionnelle est donc avancée pour dépasser le « blocage institutionnel » et l’« instabilité gouvernementale » (plus de 60 gouvernements se sont succédés) mais aussi favoriser une réduction significative de la dépense publique.
Pour ce faire, le Sénat connaîtrait une métamorphose : le nombre de sénateurs serait réduit à 100 (au lieu de 315 aujourd’hui) et serait composé d’élus locaux (21 maires et 74 conseillers régionaux) et de cinq personnalités que le Président de la République désignerait pour un mandat de sept ans. Les sénateurs ne recevraient plus d’indemnités au titre de leur fonction. Ce point était présenté comme un gain significatif au regard de leur indemnité mensuelle de 15000 euros environ. Sur le plan normatif, le Sénat investirait un rôle consultatif sauf pour quelques lois spécifiques (ratification des accords internationaux ou organisation territoriale par exemple). Il perdrait enfin son pouvoir de contrôle du Gouvernement, il n’aurait plus à lui accorder sa confiance et, logiquement, ne pourrait plus être dissout.
■ Une révision complexe et un débat confus
Tout semblait bien engagé pour le Président du Conseil malgré l’aspect révolutionnaire de la réforme proposée. Paradoxe ou réalisme, le Sénat avait adopté en première lecture, le 14 octobre 2015, le principe de sa disparition à une franche majorité. Ce consensus initial n’a cependant pas duré. Malgré six passages devant les chambres, la loi constitutionnelle n’obtint pas la majorité des deux-tiers des suffrages, seule condition prévue à l’article 138 de la Constitution italienne pour exclure la consultation populaire par référendum. Si cela attestait déjà de la complexité du texte et des incertitudes qu’il soulevait, les six mois de campagne électorale en vue du référendum n’ont fait qu’accentuer les tensions et brouiller les cartes.
Politiques, constitutionnalistes et citoyens se sont en effet fortement opposés : certains avançaient que la victoire du non engendrerait rupture de l’équilibre démocratique, concentration des pouvoirs, consécration du populisme avec l’arrivée au pouvoir du Mouvement 5 étoiles (M5S), faillites bancaires et même un Italiexit, alors que d’autres affirmaient que la victoire du oui permettrait de relancer l’économie et de mettre l’Italie sur la voie d’un changement nécessaire mais aussi d’abandonner le pouvoir à une oligarchie et de favoriser la corruption au plus haut niveau de l’État (en raison d’un nombre important d’enquête visant les élus régionaux ces dernières années).
■ Le problème de la nouvelle loi électorale
Que le oui ou le non l’emporte, une majeure partie de l’opinion concédait que le référendum allait ouvrir une période complexe de l’histoire de l’Italie en raison de l’adoption d’une nouvelle loi électorale dite Italicum, entrée en vigueur en juillet dernier. Ce texte a pour objectif de renforcer la majorité à la Chambre des députés en autorisant le parti qui obtient 40% des voix à en recevoir finalement 55%. Il favorise donc le développement d’un parlementarisme majoritaire et la bipolarisation de la vie politique.
Ainsi, si le oui l’avait emporté, plusieurs observateurs présumaient que Matteo Renzi allait demander la convocation de nouvelles élections afin d’asseoir la domination du Parti démocrate ; à l’inverse, si le non venait à gagner, le Président du Conseil ayant lié son sort à celui du scrutin, sa démission pouvait entraîner une dissolution des chambres par le Président et les élections générales risquaient d’amener au pouvoir le Mouvement populiste 5 étoiles (M5S) mené par Beppe Grillo.
■ Quelles suites ?
Pour l’heure, plusieurs hypothèses se profilent : le Président de la République peut renommer Matteo Renzi après avoir accepté une démission de principe après cet échec ; il peut également choisir de nommer un gouvernement technocratique pour rassurer les marchés financiers et procéder à la modification de l’Italicum ou alors, dissoudre les chambres et convoquer de nouvelles élections générales. Cependant, ce cas de figure est peu probable car il pourrait amener au pouvoir le M5S qui tient la tête des sondages.
Une chose est donc sûre : au lendemain de ce désaveu politique, il est grand temps de repenser le dialogue entre représentants et représentés. Beaucoup s’accordent sur le fait que cette réforme a réussi à cliver la société italienne sur un sujet finalement peu urgent sans permettre au Gouvernement de se concentrer sur les véritables moyens de relancer le pays.
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