Actualité > Le billet

Le billet

[ 7 octobre 2013 ] Imprimer

L’enseignement numérique

Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, a présenté le 2 octobre dernier son plan de développement en faveur du numérique dans l’enseignement supérieur. Le numérique est, en effet, placé au cœur des innovations pédagogiques qui devront être mises en place pour rénover, et donc améliorer, l’enseignement supérieur.

Parmi les 18 mesures annoncées, la plus emblématique est la création d’une plateforme numérique destinée à accueillir des MOOC (« Massive Open Online Course »). Ces MOOC sont des cours mis en ligne par une Université ou une École quelconque afin de servir de vitrine à l’institution dont ils émanent. Dans un contexte de concurrence nationale et internationale, les MOOC contribuent à renforcer le prestige des grandes Universités et, par conséquent, à maintenir leur attractivité. Ils sont donc souvent gratuits, et permettent même parfois de passer une certification.

La France ayant pris du retard en la matière, notre ministre a donc souhaité donner l’impulsion nécessaire au développement de cette pratique. C’est ainsi qu’une vingtaine de MOOC sont attendus pour 2014 avec, notamment en droit, un cours sur les « origines des systèmes juridiques » provenant de l’Université Paris II. Il reste à espérer que des moyens importants seront donnés pour réaliser ces MOOC. Une vitrine peut attirer, mais aussi repousser. La lecture « face caméra » d’un cours peut vite s’avérer quelque peu rébarbative. Il faudra donc trouver un enseignant passant bien à l’écran, choisir un thème porteur, et soigner tout particulièrement la réalisation… Or, la réalisation en question aura un coût… Les Universités n’ayant plus le moindre sou, on se demande bien où elles iront chercher les fonds, sachant que les 12 millions d’euros consacrés à la totalité du plan de développement du numérique n’y suffiront pas.

La mise en ligne de certains cours de l’Université pourrait également servir à l’orientation des étudiants en leur donnant un aperçu des savoirs qui leur seront dispensés au sein de la filière qu’ils convoitent. La technique pourrait s’avérer utile en droit, les étudiants découvrant souvent la matière lors de leur première année.

Il n’en reste pas moins qu’il est possible de ne pas céder à l’optimisme béat qui entoure le développement du numérique. Le numérique est, en effet, présenté comme l’alpha et l’oméga d’une pédagogie rénovée, le Saint Graal de l’enseignement supérieur qui permettra d’améliorer la réussite étudiante à l’Université : le numérique c’est le Diplôme d’enseignement supérieur pour tous en somme.

Pourtant, le diable n’est pas loin de se cacher derrière le numérique.

La conjonction des cours en ligne, de l’absence de présence obligatoire lors des cours magistraux et, disons-le, de la motivation toute relative d’une partie des étudiants lors des premières années d’Université, peut aboutir à dépeupler les amphithéâtres. Les étudiants les plus fragiles, ceux-là même dont l’attention est fluctuante, n’auront sans doute pas la discipline nécessaire pour rester devant leur ordinateur à regarder un cours… La réussite étudiante n’y gagnera sans doute pas.

En outre, on ajoutera que le numérique peut être utilisé, non pas au service de la pédagogie, mais au service de la réduction des coûts. Récemment, Anne Fraïsse, présidente de l’Université Montpellier III, a envisagé de fermer l’antenne universitaire de Béziers. Les Universités ont, en effet, de plus en plus de mal à boucler leur budget. La tentation est donc grande de fermer les antennes délocalisées, dont la fréquentation étudiante est souvent plus faible, et qui coûtent très cher, notamment en termes de remboursement de frais de déplacement des personnels enseignants.

Or, la ministre s’est fermement opposée à cette fermeture qu’elle juge « incompréhensible ». Vive l’autonomie des Universités en passant… Comment conjuguer le maintien de l’ouverture des sites délocalisés et la réalisation d’économies ? Par le numérique ! Une connexion ADSL puissante, et voilà l’innovation pédagogique de la visioconférence ! Un enseignant, deux amphis ! Pourquoi pas trois d’ailleurs !

Pour ce qui est de l’innovation pédagogique, il suffit d’aller faire un tour en médecine, où cette technique est déjà utilisée en première année, pour constater les « bienfaits » du numérique.

Le numérique est une technologie, un contenant. Or, la véritable innovation pédagogique passe par le contenu, et il ne sera pas simple de faire évoluer les habitudes des enseignants (et des étudiants d’ailleurs, plus conservateurs qu’on ne le croit souvent…), le tout à budget constant évidemment.

 

Auteur :Mathias Latina


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr