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Les contradictions de l'État actionnaire : quelles conséquences sur l'avenir du PDG d'Orange, du fait de sa mise en examen dans l'affaire de « l'arbitrage Tapie » ?
La récente mise en examen du PDG d'Orange pour le rôle qu'il aurait joué, alors qu'il était directeur de cabinet du ministre des Finances, dans « l'arbitrage Tapie » met en évidence les grandes difficultés pour définir le rôle de l'État actionnaire.
Il faut de ce point de vue souligner qu'il existe une différence considérable entre ce que l'on a appelé jadis les « entreprises publiques » et celles dans lesquelles il est un simple actionnaire minoritaire. Dans les premières, l’État exerce une « influence dominante », soit qu'il en soit l'actionnaire majoritaire (comme dans ADP, EDF, notamment), soit qu'elles soient constituées sous formes de personnes morales de droit public (RATP et SNCF constituées en EPIC, par exemple). Il a alors tout pouvoir pour nommer et révoquer les organes dirigeants de ces institutions.
Pour les sociétés dont il n'est qu'actionnaire minoritaire, en revanche, l’État ne dispose pas de ce droit. Il est soumis au droit des sociétés le plus classique et ne dispose pas de plus de pouvoirs que la représentation qui lui a été consentie au conseil d'administration et que ne lui en donne le pourcentage des actions qu'il détient.
On pourrait donc considérer que l'État n'est finalement qu'un actionnaire « comme un autre ».
Mais voilà où se niche la contradiction.
Lorsque l'État décide de devenir actionnaire (ou plus souvent de le rester d'une entreprise qui relevait antérieurement de la catégorie des entreprises publiques), ce n'est pas dans une perspective essentiellement patrimoniale. Il recherche des finalités d'intérêt général telles que le maintien de la nationalité de l'entreprise, la préservation d'une filière industrielle, le contrôle d'un secteur d'activité jugé stratégique, etc. Dès lors, il se trouve investi vis-à-vis de ces sociétés d'une forme de responsabilité et celles-ci, de la même manière, se trouvent à l'égard de l'État dans une situation de semi-tutelle, qui s'exprime moins de manière juridique que de manière économique et administrative.
Le cas de France Telecom-Orange en fournit une parfaite démonstration. L'État ne dispose plus que d'environ 30 % des actions du groupe soit directement, soit au travers du FSI (fonds stratégique d'investissement). Mais France Telecom conserve dans son personnel près de 60 000 fonctionnaires dont le statut est très largement entre les mains de l'État. Une part importante de son activité est tributaire des évolutions législatives et réglementaires décidées par l'État. Enfin, quand une vague de suicides a manifesté le profond mal-être du personnel, c'est un inspecteur des finances, directeur de cabinet du ministre de l’Économie, qui a été choisi pour diriger l'entreprise. Cela témoigne bien que le pouvoir de l'État sur l'entreprise va, en définitive, bien au-delà de ce à quoi il pourrait prétendre compte tenu du montant de sa participation dans l'entreprise.
Cette tension entre l'État actionnaire qui devrait se plier au droit commun des sociétés, et l'État actionnaire qui serait investi de responsabilités particulières à l'égard des entreprises dont il détient une part, même minoritaire du capital, se trouve particulièrement mise en évidence lorsque surviennent des crises.
La pseudo-affaire d'espionnage au sein de Renault en 2011 avait ainsi mis en évidence à la fois la volonté de l'État de sanctionner les membres de la direction auteurs des mises en cause de salariés et son inaptitude à déboulonner le PDG d'une entreprise dont il ne détenait plus que 15 % du capital. Dans l'affaire Renault, une solution de compromis résulta dans l'éviction du n° 2 de l'entreprise qui servit de fusible au PDG.
Dans l'actuelle situation, la même scène va se rejouer : de toute évidence, d’un côté, l'État est tenté de peser pour obtenir le départ du PDG actuel, pour des raisons de moralité publique. Mais, d'un autre côté, ne disposant pas des pouvoirs juridiques pour le faire, il va devoir tenter une stratégie d'influence dont il est très difficile de dire si elle aboutira. La manière dont les syndicats de salariés du groupe défendent leur PDG montre bien que chacun compte ses divisions et que l'État ne part pas dans une position très favorable.
Si d'aventure le PDG d'Orange restait à son poste à l'issue de la séquence qui va s'ouvrir, cela témoignerait finalement de l'inaptitude de l'État à imposer ses valeurs et ses manières de voir sur la gouvernance des entreprises à participation publique. Cela conduirait à s'interroger une nouvelle fois sur la possibilité de faire émerger un État actionnaire doté d'un statut et d'un rôle spécifique. Et cela conduirait, en définitive, à se demander s'il ne vaudrait pas mieux transférer l’ensemble des participations publiques au sein de la Caisse des dépôts et consignations pour qu'elles soient gérées dans une logique patrimoniale de long terme, plutôt que selon des critères prétendument liés à des politiques publiques mais que l'État ne parvient pas à imposer.
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