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Les contrôles de légalité et budgétaire vus par la Cour des comptes
Chaque année, à l’occasion de la publication de son rapport annuel, la Cour des comptes concentre l’attention médiatique au travers de quelques-unes de ses enquêtes pour lesquelles les journalistes développent une appétence particulière : les thématiques, personnalités et autres spécificités justifiants l’attrait particulier qu’elles suscitent.
D’autres de ces enquêtes passent plus inaperçues. Tel est le cas des observations émises par la Cour des comptes dans son dernier rapport sur les contrôles de légalité et budgétaire.
Rappelons que ces contrôles sont exercés, depuis la loi de décentralisation du 2 mars 1982, par le représentant de l’État sur les actes des collectivités territoriales et de leurs regroupements. Dans le premier de ces contrôles, le contrôle de légalité, il s’agit de « garantir l’application uniforme de la règle de droit sur le territoire ». Pour ce faire, le préfet est habilité à saisir le tribunal administratif, au moyen d’un déféré préfectoral, de tout acte local dont il conteste la légalité. Dans le second contrôle, contrôle budgétaire, il s’agit « de s’assurer du respect par les collectivités des règles applicables à l’élaboration, l’adoption et l’exécution de leurs budgets ». Ce contrôle doit, notamment, permettre l’adoption des budgets locaux dans les délais impartis et garantir leur équilibre. A cet effet, le préfet est habilité à saisir la chambre régionale des comptes et, sur la base de l’avis formulé par cette dernière, à se substituer à la collectivité territoriale défaillante.
Ces deux contrôles présentent la particularité de reposer, en termes d’effectivité, sur les services de préfecture. C’est sur ceux-ci que la Cour des comptes a porté son attention afin d’apprécier dans quelle mesure ces contrôles de légalité et budgétaire pouvaient donner satisfaction.
Les conclusions de la Cour des comptes sont éloquentes. Il y est question de l’augmentation considérable des actes transmis aux services de préfecture, ce qui rend d’autant plus difficile les contrôles à exercer. A ce sujet, la Cour des comptes relève que « face à la perspective illusoire de contrôler l’ensemble de ces actes de manière exhaustive, le périmètre des contrôles a été réduit » par le législateur et si « des gains d’efficience ont été recherchés, ceux-ci sont d’autant plus insuffisants que la réduction des effectifs affectés au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire a été massive ». A ceci, s’ajoute qu’en certaines zones géographiques, les contrôles menés ne sont pas prioritaires, qu’ils dépendent des effectifs disponibles et pire, que dans certains cas, ils constituent tout simplement une variable d’ajustement dans l’organisation des tâches des agents publics. La Cour des comptes relève ainsi des taux de contrôle oscillant entre 8 % en Dordogne et 78 % dans le Territoire de Belfort.
La Cour des comptes constate également des suites contrastées données au contrôle de légalité avec 2,9 % en moyenne des actes contrôlés (soit 0,7 % des actes reçus) ayant donné lieu à une lettre d’observation valant recours gracieux et 0,1 % des actes contrôlés ayant donné lieu à un déféré préfectoral au juge administratif.
L’analyse des moyens humains met également en évidence la répartition très hétérogène entre départements du poids de ces contrôles avec, sur l’échantillon étudié, un agent tenu de traiter jusqu’à 13 526 actes par an relevant de 174 communes ou EPCI dans le Calvados tandis qu’un autre en aura un peu moins de 4 000 relevant de quatre communes dans l’Essonne. Cette analyse conduit également au constat du manque de qualification des personnels en charge de ces contrôles (la moitié d’agents de catégorie B et un tiers d’agent de catégorie C).
Enfin, la Cour des comptes constate qu’alors même qu’un moyen de légalité ou une hypothèse de contrôle budgétaire supposerait la saisine du juge administratif dans le premier cas, de la chambre régionale des comptes dans le second, le corps préfectoral fait un large usage d’un pouvoir d’appréciation qu’il se reconnaît en la matière pour ne pas engager ces procédures de contrôle.
Afin de remédier aux dysfonctionnements constatés, la Cour des comptes préconise notamment :
- une amélioration des qualifications des personnels en charge de ces contrôles ;
- un rééquilibrage des effectifs du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire en fonction de l’activité des services ;
- le développement de pôles d’expertise permettant d’assister les préfectures dans la réalisation de ces contrôles ;
- la mise en place d’un dispositif permettant de cibler les actes prioritaires sur lesquels les préfectures doivent porter leur contrôle, tenant compte des enjeux juridiques ou économiques portés par ces actes ;
- le développement d’applications informatiques permettant la réalisation et le suivi de ces contrôles.
Dans leurs réponses publiées à la suite de ces observations, les ministères concernés ont pu prendre acte de ces critiques, indiquer les mesures déjà prises afin d’améliorer le dispositif et s’engager sur les actions à mener pour répondre aux préconisations formulées par la Cour des comptes. A suivre donc… La Cour des comptes porte, en effet, une appréciation sur les suites données à ses observations. Une partie de son rapport public annuel est dédié à ce suivi. Il faut donc envisager qu’avec l’un de ses prochains rapports, probablement sous trois à cinq ans, la Cour des comptes puisse vérifier dans quelle mesure, ses propositions ont été suivies d’effets.
Soulignons que la Cour des comptes n’est pas la première à s’être penchée sur les difficultés liées à l’exercice de ces contrôles. En témoignent les évolutions apportées par le législateur à ces dispositifs de contrôle - qui illustrent d’autant la conscience des difficultés qu’en ont les pouvoirs publics. Des difficultés que de nombreux rapports - parlementaires pour certains (pour exemple : Sénat, rapport n° 300, Prendre acte de la décentralisation : pour une rénovation indispensable des contrôles de l’État sur les collectivités territoriales, 25 janv. 2012) émanant du Gouvernement pour d’autres (à l’exemple du Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori exercé par le représentant de l’État sur les actes des collectivités territoriales – Direction générale des collectivités territoriales avec un 22ème rapport portant sur les années 2010, 2011 et 2012) ont pu mettre en évidence.
Référence
■ Rapport public annuel de la Cour des comptes 2016, p. 327 s.
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