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Les études de droit et l’IA se conjuguent au présent et la paresse n’est pas permise
L’intelligence artificielle (IA) est un sujet de conversation à part entière depuis plusieurs mois. Au-delà des investissements et des questions de souveraineté numérique, cette technologie a logiquement franchi les portes des universités. Le phénomène va s’amplifier, indépendamment du regard que chacun peut porter sur la pertinence de cette technologie. L’IA est, en effet, à conjuguer au présent, bouleversant, voire bousculant progressivement le cadre des enseignements et des évaluations, tant à l’initiative du corps enseignant que des étudiants.
Face à cette inexorable évolution, plusieurs universités se sont dotées au cours des derniers mois de Charte sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. La première fut, à ma connaissance, l’Université d’Orléans, non pour interdire, mais avec la volonté de trouver un équilibre entre la diffusion avérée et nécessaire de la technologie et la régulation de ses usages dans les activités pédagogiques, de recherche et d’administration.
Si nous nous limitons aux interactions de cette technologie à la formation en droit, le recours à l’IA s’impose déjà. De nombreux outils sont d’ailleurs déjà à disposition de professionnels du droit, leur permettant de mieux aborder les quantités de données disponibles, notamment liées à la jurisprudence, de les guider pour trouver des solutions à des questions juridiques et plus largement pour gagner du temps. Les stages, les formations par apprentissage amèneront les étudiants à la découverte de ces outils et à leur usage, indépendamment des facultés de droit. Autant s’en saisir pleinement.
Cependant ces outils, bientôt incontournables, ne modifient pas fondamentalement les attentes exprimées en termes d’acquisition de compétences pour l’obtention d’une licence de droit ou d’un master. L’enjeu est plus certainement la transformation de l’organisation pédagogique, des travaux demandés, de l’autonomie pour parvenir aux mêmes exigences de capacité à comprendre les textes, à savoir les analyser, à les restituer, à créer une veille juridique, à développer un esprit critique et à proposer des solutions adaptées. Les exigences demeurent. Elles seront même sans doute plus fortes, puisque les étudiants devront, en outre, être en mesure de s’appuyer sur les nouveaux outils pour lesquels nous devons les former, en ne partant pas du prérequis qu’ils sont maitrisés. La technologie relève d’un apprentissage qui passe par l’élaboration de modules transversaux spécifiques en licence autour de l’IA dans toutes ses dimensions : transparence, éthique et protection des données entre autres.
À l’inverse même, l’IA interdit aux étudiants la paresse, tant les pièges sont nombreux à trop vouloir se reposer sur les résultats proposés. Parmi les risques identifiés, il existe celui d’« hallucination » qui est utilisé pour décrire un résultat aberrant, trompeur ou incorrect fourni par une IA générative. Si certaines hallucinations sont aisément identifiables, d’autres nécessitent un véritable bagage de connaissances, une capacité à les mettre en lien, à avoir un esprit critique pour ne pas tomber dans la facilité et les contresens. L’utilisation de l’IA demande également de vérifier les sources, de les croiser, car certaines sources peuvent reprendre à leur tour des hallucinations en toute bonne foi parce que la rigueur scientifique n’a pas été respectée. L’IA ne peut ainsi être appréhendée pour l’étudiant en droit comme un outil systématiquement fiable et objectif, délivrant un commentaire ou une dissertation, clé en main, le dimanche soir pour les travaux dirigés du lundi matin. L’IA ne remplace pas le raisonnement humain avec ses subtilités et les contradictions de tout énoncé. De plus, un juriste est un professionnel qui doit pouvoir assumer et défendre ses écrits à l’oral, après s’être approprié sa construction intellectuelle. Dans ce cadre, l’IA est un support, une aide qui ne peut être efficace que s’il est utilisé par un professionnel bien formé et, en conséquence, un étudiant exigeant dans sa formation.
Ce texte n’est pas le fruit de l’IA, mais d’un enseignant-chercheur conscient de l’importance de l’esprit critique en tant que professeur de droit public, Président d’université et citoyen.
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