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Le billet
Les sources très privées du droit privé
C’est sur le journal en ligne Mediapart (5 décembre 2009) que cette information qui intéressera tous les amateurs de sources du droit a été dénichée. Le président de la Commission des lois a, en vue de la rédaction de la proposition de loi sur la simplification du droit, fait appel aux lumières d’une entreprise privée spécialisée dans l’édition juridique. Pour ses lumières, LexiNexis, aurait perçu une coquette rémunération de 80 000 euros.
Cette initiative a provoqué un certain émoi dans les rangs de l’Assemblée nationale. Certains députés de l’opposition se sont émus du peu de transparence avec laquelle ce « marché » avait été conclu et du flou qui a entouré la mission confiée à ce partenaire particulier dans la confection de la proposition de la loi. Évidemment, le risque dénoncé par les parlementaires socialistes réside dans l’éventuel conflit d’intérêts si l’entreprise privée est de près ou de loin concernée par la proposition de loi étatique.
A priori, il semble que la mission confiée à LexisNexis aux termes du marché passé avec l’accord de la questure de l’Assemblée nationale et dans les règles de l’art, consistait uniquement pour l’entreprise à recenser les règles du Code pénal qui, avec le temps, sont devenues superflues, inutiles, redondantes, caduques, etc. et suggérer leur abrogation.
Peu importe au fond la teneur et la portée de la mission confiée par le président de la Commission des lois à une entreprise privée, ce qui doit ici retenir l’attention c’est la privatisation de la loi que ce partenariat emporte fatalement. On savait déjà que certains auteurs très prestigieux, tels Jean Carbonnier, Gérard Cornu ou André Tunc, avaient été les pères naturels de certaines lois fondamentales. Mais, que l’on sache, cette paternité doctrinale n’avait pas été dissimulée et était désintéressée. On a aussi découvert, ces dernières années, que certains amendements parlementaires portaient la marque profonde de grandes organisations patronales ou syndicales, dont quelques députés ou sénateurs ne sont que, à l’occasion de telle ou telle discussion parlementaire, les prête-noms, si ce n’est les hommes de paille. Mais en associant en amont de la préparation d’une proposition de loi, spécialement lorsque c’est le Code pénal qui est visé, une entreprise privée à but lucratif au travail de la Commission des lois, il semble qu’on ait fait un grand pas en avant, ou en arrière c’est selon, dans la privatisation de la loi… On répliquera que la démocratie peut souffrir quelques accommodements, via une expertise privée, lorsqu’il s’agit d’apporter un surcroît de compétence au stade de la fabrication de la loi, surtout quand il s’agit d’une loi de simplification du droit… Avouons que le procédé inspire quelques réserves et que ce mélange des genres laisse assez mal augurer du cocktail législatif en préparation…
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