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Le billet
Les vicissitudes de la gestation pour autrui en droit français
Par un arrêt du 18 mars dernier, la cour d’appel de Paris a refusé la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance établis dans le Comté de San Diego en Californie et désignant des conjoints français ayant recouru aux services d’une mère porteuse comme les parents des jumelles nées dans ces conditions.
Cette décision intervient après que la Cour de cassation, dans une décision très remarquée du 17 décembre 2008 a dans la même affaire censuré l’arrêt qui avait déclaré irrecevable l’action du ministère public en annulation de la transcription.
L’arrêt rendu jeudi par la même cour de Paris autrement composée a reçu un large écho y compris dans la grande presse où il est surtout envisagé comme une étape dans le combat mené par les époux Menesson pour la reconnaissance en France de l’état civil de leurs enfants. Interrogés par le journal Libération, ceux-ci veulent retenir de la décision que, si elle se range à la position de la Cour de cassation sur le refus de la transcription des actes de naissance sur les registres de l’état civil français, elle n’en a pas moins selon eux « confirmé » le lien de filiation entre eux et leurs jumelles.
Il reste que, n’en déplaise à ceux qui voudraient dépeindre ce contentieux comme une longue marche de familles brimées par le conservatisme du juge français vers une inévitable et légitime consécration des conventions de mères porteuses, on ne peut guère donner tort à la cour de Paris lorsqu’elle énonce que la considération de l’intérêt supérieur de l’enfant ne saurait suffire à justifier l’admission de la transcription des actes de naissance sur les registres de l’état civil français, sous peine de manquer à la cohérence la plus élémentaire en validant ainsi a posteriori une procédure interdite par la loi française, validation indirecte qui, précise la cour, serait en contrariété avec la conception française de l’ordre public international.
N’y a-t-il pas d’ailleurs — pour le moins — quelque inconséquence à aller procéder à l’étranger à pareille opération que l’on sait proscrite en France, et à solliciter ensuite du droit français qu’il se déjuge au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Pareille politique du fait accompli n’est pas du meilleur effet pour convaincre du bien-fondé de sa démarche… Il est vrai d’un autre côté que la réponse en demi-teinte du juge français n’est pas de nature à fournir une solution satisfaisante.
Reste à espérer que le législateur parvienne à trancher cette épineuse question sociétale, et que le débat parlementaire qui s’annonce (le Parlement est actuellement saisi de deux propositions de lois) évite les chemins de la caricature et du manichéisme qu’il emprunte trop souvent en ces matières particulièrement sensibles où il est toujours plus confortable de se dire du côté du « progrès ». À ceux qui seraient tentés de faire l’économie du débat au motif que la consécration de telles conventions est aujourd’hui appelée de leurs vœux par des voix éclairées de tous horizons politiques, on recommandera la lecture de l’ouvrage de Sylviane Agacinski (Corps en miettes, Flammarion, 2009), peu suspecte de conservatisme effréné, qui stigmatise les risques d’une telle légalisation.
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